söndag 6 augusti 2023

NOTRE COMBAT

Notre combat est des plus hardis mais aussi des plus exaltants. Nous le continuerons en restant unis dans la détermination et dans la fidélité à notre devoir historique que consolide chaque jour davantage la somme de nos souffrances communes et individuelles cimentées par le sang versé par nos martyrs depuis Walata, depuis Jreida, Inal, Nbeyka, Azlat, Sorimalé et dans toute notre vallée devenue une vallée des larmes et du sang.

La Mauritanie a besoin de tous ses fils et filles dignes, patriotes et honnêtes qui refusent cette oppression raciale et culturelle érigée en règle de gestion du pays.
Nous devons nous persuader - c'est vital pour nous et pour ce pays - que la voie choisie jusqu'ici était dangereuse et sans issue!
« Une nation ne pouvait vivre moitié libre, moitié esclave»; elle ne pouvait non plus se construire avec des citoyens à-démi et des citoyens à part entière.
Pour éviter à notre pays le démembrement( pour dévaliser les putschistes de juillet 1978) il faut agir vite et maintenant. Il faut se surpasser pour outrepasser l'impasse.
Il nous faut nous ressaisir, il est encore temps !
Que le bon Dieu guide nos pas et nos actes sur le bon chemin.
Et la lutte continue!
Kaaw Touré.

DEVOIR DE MÉMOIRE ET REFUS DE L´OUBLI: Ma première nuit en prison .


Palais de justice de Kaëdi, Jeudi 6 novembre 1986, notre première nuit en prison, une date et une histoire.
Après une semaine de garde à vue, d'interrogatoire et de tortures physiques et morales dans les locaux de la gendarmerie, un matin du 6 novembre 1986, à 5 jours de mon anniversaire de naissance, nous voilà réveillés très tôt menottés et enchainés comme des criminels ou des petits terroristes. Nous sommes embarqués dans des voitures de marque Land Rover et amenés devant le juge d´instruction et le procureur du palais de justice de Kaëdi, tous deux beydanes (maures blancs, un frère musulman et un baathiste) qui n´avaient même pas hésité à nous notifier un mandat de dépot et à nous expédier illico-presto à la prison civile de Kaëdi (camp de la garde) après quelques petites questions sur les PV. Ils nous inculpèrent avec des chefs d´accusation de :
" trouble à l'ordre public, participation à une manifestation non autorisée et membres d´une association illégale et non reconnue..."(le ridicule ne tue pas).
Dix neuf prisonniers dont une femme notre cousine Ramata Mamadou Siba Sow, seront inculpés et les autres libérés.
Sortis du palais, on voyait tous nos parents, amis, camarades, des ressortissants de Jowol à Kaëdi et autres Kaëdiens venus nous soutenir devant le palais de justice et on les saluait de loin par des poignées de main avec des V de la victoire. On voyait de loin des femmes pleurer avant que notre camion militaire ne s´éclipsa en vitesse pour se diriger vers le camp de la garde de Kaëdi, notre futur lieu de détention.
Une fois le portail de la prison civile ouvert et franchi, nous sommes accueillis par des centaines de prisonniers de droit commun, qui nous attendaient apparemment; tous noirs à part deux maures blancs écroués pour vol de chameaux. Ils nous applaudissaient. Entourés par une vingtaine de gardes pénitenciers bien arméé, ils nous ont souhaité la bienvenue dans cette "maison des Hommes "nous disaient-ils.
Saisi par un sentiment de révolte et de colère aussitôt j'ai regardé mon frère, compagnon de fortune et complice Ousmane Toure et j´ai entonné à haute voix notre chant anti-apartheïd écrit par notre poète Aamadu Sammba Demmbele et il a répondu au refrain avec un autre camarade Aliou Mamadou Sow qui était à nos côtés et les autres camarades nous ont suivi en choeur :
1.O dunya jamfiima heewɓe
2. Won jaloo6e kono won woyooɓe
3. Aduna jamfiima heewɓe
4. Nde ƴellitaare roondii boomaare
5. So gooŋɗi tan ko konngol joom doole
6. Ndeen goonga jom goonga yoolee
7. Min cikkatno waawde ko waawande
8. Min mbaɗno tan baawɗo ko balloowo
9. ndeke wona ɗum baawɗo ko baroowo
10. Min njanngiino e defte maɓɓe
11. Waawi wara ko majjere moƴƴaani
12.Nanngu- war ina duñtee ñifaani
13. Gila laamu Wosteer e Botaa
14. Cañi apartaayd ɓaleeɓe njootaa
15. To faggudu e dawrugol e janngde
16. Winndere woytiima, hoohooɓe kaalii
17. Winndooɓe e yimoove ndeƴƴaani
18. Nanngu war ina duñtee nyifaani
19. Jaambareeɓe men njantinaani
20. Mandela ko yeru burɗo laabde
21. Mandela ko yeru burɗo laabde
22. Bikkittooɗo hannde e geƴƴelle
23. Kalifaandi wonaa ndi callalle
24. Halfatee ko ɓernde e hakkille
25. Halfatee ko ɓernde e hakkille
26. Ɗum noon woori jaambareeɓe.
27. O dunya jamfiima heewɓe
28. Won jaloove kono won woyooɓe
TRADUCTION:
1. Ce monde a beaucoup déçu,
2. Certains rient tandis que d’autres pleurent
3. Ce monde déçoit beaucoup
4. Si le progrès est confondu avec la calamité (le massacre)
5. Si seuls ont raison les plus forts
6. Alors le droit des faibles sera à jamais bafoué (noyé)
7. Pour nous, le plus valeureux est celui qui est plus utile, celui qui donne aux autres ce qu’ils ne peuvent pas avoir.
8. Dans notre entendement, le plus fort aide les faibles
9. Or ici, le plus fort est celui qui tue les autres
10. Nous avons bien lu dans leurs livres, la maxime selon la quelle:
11. "La raison du plus fort relève de l’obscurantisme."
12. Alors que dans la réalité ils attisent le feu du massacre.
13. Depuis que WOSTER et BOTHA sont au trône (allusion faite au règne de Mouawiya et les siens).
14. Et ont tissé le système d’apartheid, tout a manqué aux noirs
15. Dans les domaines économique, politique et éducationnel
16. L’univers s’est plaint, les personnes de renommée internationale se sont prononcées
17. Les chanteurs et les écrivains ne se sont jamais tus
18. Mais eux, ils continuent à attiser le feu du massacre
19. Nos combattants n’ont jamais baissé les bras
20. Mandela est l’exemple le plus patent
21. Mandela est l’exemple le plus patent
22. Il se débat actuellement dans sa prison
23. La domination n’est pas engendrée par des chaines
24. La vraie domination est celle du cœur et de l’esprit
25. La vraie domination est celle du cœur et de l’esprit
26. ce ci n’est jamais le cas de nos combattants
27. Ce monde a beaucoup déçu,
28. Certains rient tandis que d’autres pleurent.
Ce chant de révolte en pulaar était un réquisitoire contre le pouvoir raciste mauritanien. Je me souviens aussi que pendant mon interrogatoire à la gendarmerie, ils m'ont trop demandé sur le sens et la signification de ce poème parce qu´ il a été aussi repris en choeur pendant notre grande manifestation contre le pouvoir de Taya à Jowol dans la nuit du 27 octobre 1986 et c'est moi qui chantait et les autres manifestants le reprenaient appuyés par les échos des collines du village et du fleuve pendant la nuit.
En reprenant ce chant engagé on voulait défier le pouvoir sur son propre terrain (la prison) pour lui dire qu´on était prêts à payer le prix et " ko kalifaandi wonaa ndi callalle, halfatee ko bernde hakkille" autrement "on ne peut soumettre quelqu´un par des chaînes mais par la domination mentale". Nos gardes étaient médusés par notre provocation et notre audace. Certains de nos geôliers négro-africains ne cachaient pas leur sympathie en notre égard et nous réconfortaient par des mots très encourageants.
" Wallaahi ko on ngenndiyankoo6e, wallaahi ko on jaambaree6e, woto kulee woto kersee" ( Vous- êtes des vrais patriotes, vous- êtes des héros, n'ayez pas peur, ni honte de votre emprisonnement on est ensemble).
C´était une petite page dans cette histoire et dans cette longue lutte contre le Système. 6 novembre, je me souviens toujours, j'avais 18 ans et qui faisait de moi, pour la petite histoire le premier plus jeune prisonnier politique du colonel ould Taya.
37 ans après nous continuons la lutte avec la même conviction et la même détérmination sans prendre rides.

LLC!
Kaaw Touré.

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Notre combat est des plus hardis mais aussi des plus exaltants. Nous le continuerons en restant unis dans la détermination et dans la fidéli...