tisdag 28 april 2015

MAURITANIE: DE QUI SE MOQUE-T-ON?

On est frappé par la volonté de certains de nos compatriotes à vouloir solder nos souffrances, nos morts et nos droits. Comme certains marchands, ils veulent vider l´abcès comme on vide les stocks. Ils nous traitent de "rancuniers", de "revanchards", de "méchants" parce que nous exigeons la justice, l´égalité de tous les fils de la Mauritanie, parce que nous refusons l´oubli et l´impunité. On veut nous imposer une omerta, de l´amnésie, de l´amnistie forcée, de l´oubli, de l´impunité sur les années de braise, il faut pardonner et tourner la page sans justice ou autre procès c´est tout ce que souhaite le Système. La Mauritanie peut tuer, peut violer, violenter et déporter ses propres enfants mais elle ne veut pas qu´on en parle ! Comment parler de l´avenir en commun alors que le passé douloureux du destin en commun hante toujours notre sommeil. Comment nous conduire vers un avenir meilleur en cassant le rétroviseur de notre voiture?
Nos "nouveaux chiens de garde", pour dévaliser le journaliste et essayiste français Serge Halimi , veulent mettre le bourreau et la victime dans le même sac et nous imposer leurs termes du contrat de "la réconciliation". Comment soigner le mal sans crever l´abcès? Comment tourner la page de la déportation, de l´épuration ethnique sans avoir le courage de diagnostiquer la cause du mal national? "Ko addi ndogen saka ndartoden" ?
Ces fabricants ou partisans du renoncement et de l´oubli veulent nous enseigner leur propre "grammaire de la soumission" ou leur "vocabulaire de la réconciliation". Pour eux, toute revendication de justice est de l´EXTRÉMISME! 
Nous devons prendre nos baluchons, courber l´échine et revenir sans crier gare comme si nos longues années d´exil et de souffrances dans les geôles du tyran n´avaient rien servi! L´exigence de justice est un droit mais aussi un devoir pour tout celui qui se sent lésé dans ses droits . Qu´un seul déporté, une veuve ou un orphelin exige la justice, minoritaires soient-ils, leurs voix doivent-être écoutées , ce n´est pas parce que tout le monde ait accepté de jouer au troupeau de panurges du Système que toute voix discordante doit être considérée comme celle de l´extrémisme. La réparation n´est pas que matérielle ou pécunière elle est surtout et avant tout Morale. Les victimes n´ont pas exigé le ciel ou la lune mais la JUSTICE, est-ce un crime? Jugez nos tortionnaires! Jugez nos déporteurs! Jugez nos violeurs! Jugez nos voleurs! Jugez nos assassins ! Discutons de notre fameuse QUESTION NATIONALE, du racisme et de l´esclavage . Est-ce trop vous demander messieurs les soldeurs des souffrances?

Toutes les revendications peuvent trouver une solution si l´on veut bien se donner la peine. Il ne s´agit pas de récuser toute synthèse, mais une synthèse ne s´obtient pas en soldant ses revendications essentielles. Nous demandons seulement à nos potentiels soldeurs de ne pas céder à la mode sinon les Mauritaniens risquent d´être les sacrifiés. Car en politique le soldeur est un traitre, un petit traître en ce sens qu´il ne pense qu´à ses intérêts individuels que seule la trahison lui permet de satisfaire.

Dans son ouvrage "La parole manipulée", Philippe Breton nous rappelle cette terrible phrase de Boorstin : ‘Le génie de Barnum, ou de Hitler, fut de découvrir non pas combien il était facile d’abuser le public, mais combien le public aimait être trompé’. Si certains acceptent d´être trompés et d´être bernés par cette campagne mensongère sur les "extremismes" c´est leur droit mais la conscience éclairée ne doit pas baisser la garde ni céder aux pressions.
On ne le dira jamais assez que l’exclusion est en soi économiquement mauvaise, socialement corrosive et politiquement explosive. Tentons dès à présent de sortir de ce cul-de-sac qui, tout le monde le sait, ne mène nulle part. Pour en sortir, il faut, à notre avis, une attitude, un climat et des conditions. Une attitude courageuse, d’ouverture sincère et de reconnaissance du problème de fond. Un climat de décrispation sociale grâce à un train de mesures positives à l’endroit de tous ceux qui, victimes et blessés dans leur chair, ont subi des préjudices matériels et moraux. La sanction des crimes commis pour rendre leur dignité aux victimes, à leurs veuves et à leurs enfants. Je crois qu’il faut se parler, car ce formidable potentiel de révolte enfouie commence à gronder. Il serait erroné de croire qu´avec des simples promesses électoralistes on peut calmer la tempête. Il faut un débat national sur la question nationale  dont les conclusions pourraient éventuellement être soumises au peuple, pour aborder enfin la phase d’une véritable réconciliation et de démocratisation.
Mes pensées pieuses, militantes et patriotiques vont toujours à nos vaillants martyrs de Oualata, Djreïda, Inal, N´beyka, Azlat et dans toute la vallée.

La lutte continue!
Kaaw Touré Militant des FPC

torsdag 23 april 2015

NOTES DE PRISON: 1986, DES ANNÉES DE BRAISE

Notes de prison: Ma petite réaction au témoignage de mon cousin et camarade de lutte Njaparta Sow· 

Merci encore chers camarades pour vos aimables commentaires et réactions. Merci à mon cher cousin et camarade de lutte Sow Njaparta pour ce témoignage émouvant qui me replonge dans les années de braise sous le petit dictateur Colonel Ould Taya.
Oui comme l´a bien dit mon camarade , mon compagnon de prison et complice de tous les jours, mon grand-frère Ousmane Touré on n´oubliera jamais cette journée d´été du 29 octobre 1986. Dès l´aube notre maison familiale fut déjà encerclée par une vingtaine  de gardes et gendarmes venus nous cueillir armés jusqu´aux dents sous le regard hagard de nos parents. Ce jour tout Djeol était agité et inquiet et vivait sous un véritable état de siège et les militaires se comportaient en occupants d´un "territoire conquis". Un couvre feu fut décrété dès les premières heures de la journée où on ne permettait de sortir dans les rues que les femmes et des personnes âgées. En une seule journée plus d´une soixantaine de jeunes sont arrêtés et regroupés à "Tulel Tabaldé" (un terrain de football) transformé à l´occasion en camp de détention avant notre embarquement en fin de journée dans des camions militaires pour la brigade et la compagnie de gendarmerie de Kaëdi à 18 km du village natal.

Des nuits longues, terribles, horribles et inoubliables. Des tortures du "Zaguar" qui commencaient à partir du 2 h du matin sans parler des autres tortures morales, des sermons, des insultes racistes du genre « sales nègres », « petits racistes, vous allez voir avec nous ». Eh oui, c´est le voleur qui criait au voleur. Quand on voulait prier, on nous l´interdisait aussi avec des arguties:" vous-êtes nègres, des "kouffar" vous ne connaissez pas Dieu !" eh oui on nous interdisait de prier dans une république qui se disait pourtant "Islamique"! mais nous avions fait face courageusement à nos tortionnaires malgré le rapport de forces inégal.

Déshabillés, menottés nuits et jours, pieds et mains enchainés, interdits de visite, interdits de douche, de manger, on ne s´alimentait que par quelques verres d´eau, sans parler la compagnie des moustiques en plein hivernage,  pendant plus d´une semaine d´interrogatoire, de garde à vue. Les rares fois qu´on nous donnait des repas de riz, ils y versaient du sable et beaucoup d´eau dans les plats pour perdre tout son goût. On était déjà affaiblis et fatigués par cette diète et des coups de tortures mais on tenait bon et curieusement on avait pas perdu notre humour ...djeolois et bonne humeur. On se taquinait entre nous dans l´obscurité de nos cellules, entre cousins à plaisanterie, sur les réponses données et autres cris de douleurs pendant les scènes de tortures ou les réactions de certains parents pendant les arrestations. Après ma première confrontation avec mes geôliers je fus isolé dans une petite cellule , loin de mes autres camarades pendant tout mon interrogatoire et il y avait un gendarme maure du nom de Hamadi qui veillait sur moi et de mes moindres mouvements.

Après une semaine de garde à vue et de tortures, un matin du 6 novembre 1986 comme des criminels ils nous ont amenés devant le juge d´instruction et le procureur du palais de justice de Kaëdi, tous deux beydanes (maures blancs) qui n´avaient même pas hésité à nous expédier illico-presto à la prison civile de Kaëdi (camp de la garde) après quelques petites questions sur les PV.  Ils nous inculpèrent avec des chefs d´accusation de: " participation à une manifestation non autorisée, membres d´une association subversive et illégale"(le ridicule ne tue pas). 19 dont une femme notre cousine Ramata Mamadou Siba Sow, seront inculpés et les autres libérés. Sortis du palais, on voyait tous nos parents (Njaparta était dans l´assistance), amis, camarades, des ressortissants de Djeol à Kaëdi, élèves et autres kaëdiens venus nous soutenir et on  les saluait de loin par des poignées de main  avec des V de victoire. On voyait de loin des femmes pleurer  avant que notre camion militaire ne  s´éclipsa en vitesse pour se diriger vers le camp de la garde de Kaëdi, notre futur lieu de détention.

Une fois le portail de la prison civile ouvert et franchi, on est accueilli par des centaines de prisonniers de droit commun qui nous attendaient apparemment; tous noirs à part deux maures blancs écroués pour vol de chameaux. Entourés par une vingtaine de gardes pénitenciers bien armés qui nous souhaitaient la bienvenue dans cette "maison de repos", j´ai aussitôt regardé mon frère et compagnon de fortune Ousmane Baaba Touré et  j´ai entonné notre chant anti-apartheïd  écrit par notre poète Amadou Samba Dembélé et il a répondu au refrain avec un autre camarade Aliou Mamadou Sow qui était à nos côtés et les autres camarades nous ont suivi en choeur: "

Maawuya jamfiima heewBe,(Maouya a trahi la majorité de ce peuple)
 won jalooBe, kono won woyooBe
Maawuya jamfiima heewBe
 nde Yellitaare roondii boomare
 so goonqDi tan ko konngol jom doole,
 ndeen goonga jom goonga yoole
 min cikkatnoo waawde ko waawande,
min mbaDno baawDo ko balloowo,
ndeke wonaa Dum baawDo ko baroowo
Min njanngiino e defte maBBe
 waawi wara ko majjere moYYani,
nanngu war ina dunycee nyifaani
 Gila laamu Wosteer e Bootaa
canyi Apartaayd, BaleeBe njootaa
, to faggudu e dawrugol e janngde
winndere woytiima , hoohooBe kaalii,
winndooBe e yimooBe ndeYYaani,
 nanngu war ina dyncee nyifaani
 JaambareeBe njantinaani, Mandela ko yeru BurDo laaBde,
 bikkittooDo hannde e geYYelle
kalifaandi wonaa ndi callalle
 halfatee ko Bernde e hakkille,
 Dum noon woorii jaambareebe.
O dunuyaa jamfiima heewBe
won jalooBe kono won woyooBe. 

Ce chant de révolte en pulaar était un réquisitoire contre le pouvoir raciste et je me souviens aussi que pendant notre interrogatoire à la gendarmerie, ils nous avaient trop demandé sur le sens de ce poème parce qu´ il a été aussi repris en choeur pendant notre manifestation contre le pouvoir de Taya à Djeol dans la nuit du 27 octobre 1986. En reprenant ce chant engagé on voulait défier le pouvoir sur son propre terrain(la prison) pour lui dire qu´on était prêts à payer le prix et " ko kalifaandi wonaa ndi callalle, halfatee ko bernde hakkille" autrement "on ne peut soumettre quelqu´un par des chaînes mais par la domination mentale". Nos gardes étaient médusés par notre provocation et notre "culot" mais c´était une autre histoire dans cette longue lutte contre le Système, on y reviendra un jour  plus largement inchaallah dans un livre à paraître.

A certains petits procureurs des Flam, nous leurs disons que nous revenons de loin. A l´époque, il n´y avait pas démocratie de facade, ni presse libre, ni liberté d´expression ou d´association encore moins la magie de la toile ou du Facebook. On vivait sous un régime militaire pur et dur et quand on s´opposait ouvertement au pouvoir militaire il n´y avait que 3 choix : la prison, l´exil et la mort. Et pourtant on s´est opposé au régime militaire et au couple satanique Taya-Cimper sur le terrain au moment où tout le monde l´adorait et le soutenait; au moment ou toute l´intelligentsia arabo-berbère et négro-mauritanienne avait choisi le silence et la collaboration. Oui, maintenant chacun peut se permettre de jouer au petit héros et au procureur, au nihiliste, au négationniste parce que.... d´autres avaient déjà défriché le terrain au prix de leurs vies et carrières et permis aujourd´hui certains petits "acquis" mais la lutte continue! Demain il fera jour. LLC.

NB: La torture du Jaguar: les poignets des dex mains du suspect sont attachés à ses pieds et les policiers ou gendarmes mettent une barre de fer sous les genoux entre les jambes et les bras. La barre de fer est ainsi soulevée et suspendue de telle sorte que l´individu se retrouve renversé, la tête vers le bas et les pieds en haut.On martèle la plante des pieds. Après plusieurs heures de ces sévices,il est raide d´évanouissement et ses pieds commencent à saigner. On fait passer l´individu à jaguar pour le conduire à signer des aveux préparés par les tortionnaires du régime raciste. Cette forme de torture ainsi que d´autres ont été infligées en 1986 aux détenus flamistes. Ou parfois des détenus ont été forcés de passer la nuit dans des fossés remplis d´excréments humains, de porter des briques très lourdes et de rester debout toute la nuit jusqu´à l´épuisement. Ou parfois certains sont arrosés d´eau froide la nuit pendant la saison sèche, période de l´année où les températures dans le désert mauritanien atteignent leur niveau le plus bas.

NOUS AVONS CHOISI LA LUTTE ET LA DIGNITÉ

Je me suis engagé dans cette lutte à 15 ans, certains diront l´âge de l´insouciance.
Taya a fait de moi son premier plus jeune prisonnier politique en 1986 à l´âge de 18 ans et ce qui renforca davantage ma connscience.
Son régime despotique m´a contraint à l´exil à l´âge de 20 ans, loin de mon royaume d´enfance.
26 ans d´errance et de persévérance pour ne pas éteindre l´espérance.
10 ans au Sénégal avant que le dictateur exigea ma déchéance.
Heureusement la Suède m´accorda l´asile dans son pays de tolérance.
Malgré ces longues années de privations, de souffrance et de résistance.
Des questions vous taraudent l´esprit et vous incitent à la vigilance.
Devant la lâcheté, l´imposture, l´opportunisme,les trahisons de cette intelligentsia en manque d´intelligence.
On se pose la question si ce pays mérite vraiment certains sacrifices et la délivrance.
Un peuple qui courbe l´échine et lie son sort à la survie de son bourreau mérite t-il vraiment notre souciance?
"So fowru riddii sagata,yiyii dum ko e jabbal mum" nous raconte l´adage du sage.
Nous continuerons la lutte avec la même ferveur de la belle et tonitruante jeunesse.
Qu´il pleuve qu´il neige notre sang, nous nous insurgerons contre ce système sans classe.
Nous avons choisi l´honneur à la place des honneurs de ces pyromanes de notre case.
Pour que séchent et cessent les larmes et les lamentations de mon peuple livré aux bidasses.
La lutte continue!

NB: Photo prise en 1987 après ma sortie de priso

ARCHIVES: Des Lettres du camarade feu Seydou Kane à moi.

Des témoignages de mon camarade, frère et ami feu Seydou Kane qui me donnent du tonus


Si je tiens toujours et résiste à tous les coups c´est grâce à la confiance et à l´estime de mes compagnons de lutte et plus particulièrement de mes aînés qui sont mes guides dans ce combat pour la liberté en Mauritanie. Je pense  au président Samba Thiam et Ibra MifoSow mais aussi aux défunts camarades Mamadou Samba Diop dit Mourtoudo qui est parti avant sa mort jusqu´à chez moi à Djeol pour me rendre hommage dans mon village natal devant mes parents et amis. Je peux dire que je suis l´un des rares et derniers  à recevoir son mail avant sa mort où il me renouvelait sa confiance et amitié. Je pense aussi au grand Homme qu´est Saïdou Kane, un Homme sans rancune et l´ami de tout le monde. Il  me surnommait chaque fois pendant nos échanges électroniques, téléphoniques ou pendant nos rencontres  par soit : Elimane Bilbassi, Ceerno Wocci, Ceerno BarooBe, Kaaw Tokosel et à chaque nom il me racontait une nouvelle  histoire. Les témoignages du camarade feu Saïdou Kane  que je partage avec vous me suffisent et me réconfortent contre tout autre procès et j´en ai  des dizaines d´autres  que je garde jalousement  et qui me redonnent la force et le courage pour continuer la lutte contre vents et marées. Je prie qu´Allah le tout puissant accueille en son Saint paradis les camarades Mourtoudo et Saidou. LLC!

From : Bolykane@cs.com
To : kaaw35@....
18 jan 2001. 13.38.31.
Cher Kaaw, Ceerno BarooBe !
Je réponds à ton message : « quelle mauvaise nouvelle ».
La Réalité est là. Elle est si prégnante qu´elle ne se questionne même pas.
Tu me demandes de revenir sur ma démission. La question n´est pas là. Elle est dans ce qui m´a fait partir. Ce n´est pas moi qui trahirait notre cause et mes amis fidèles.  C´est en âme et conscience que j´ai agi. Cela m´a valu plusieurs  années.
C´est légitime, de la part d´un parent, un ami et camarade que tu es, de tenir les propos que tu as tenus dans ton message. Cela ne me surprends pas et t´honore davantage à mes yeux.
Pour ce qui est d´un retour possible dans les FLAM, tout dépendra d´abord de ce que ses militants feront pour que l´organisation soit ou redevienne cet instrument réel de libération que nous voulions en 1983.
Inutile de te rassurer, sur ce que je ferai. Cela ne pourrai aller que vers une seule direction : étudier quelles voies et moyens de voir notre cause triompher. Bonne chance.
Jamais je n´abandonerai ceux qui, comme toi, ont très honnêtement permis à mon peuple de relever la tête.  Je lutterai toujours  pour empêcher l´opportunisme récuperer ces acquis.
Kaaw, minyi am mo teddini haa Butufal  wutta.
Mi salminiima, mi yettiima, sabu kala ko dillat hannde e fedde nde, ko sabu darnde ma, fittaandu ma. Haa maayde mami teddine.
Fraternellement  Mustaf Boli Sammba  Laamu.
27 /02/2001
Elimane,
Merci d´avoir été voir nos amis Garba et les autres. Ils ont beaucoup de mérite.
Vous êtes plus qu´une simple relève. Vous avez la livrée des libérateurs et ce n´est pas des paroles en l´air. Ce n´est pas dans mes habitudes.
Pour le reste, je crois que je travaillerai à la concrétisation de l´idée d´Abda, car elle est venue à son heure....
Tu travailles, certes, beaucoup. Mais comme personne n´est assez malhonnête pour ne pas reconnaitre que tu sauves les meubles, acceptes que je t´encourage chaque jour à rassembler des gens comme nous autour de toi et de ceux qui, comme toi, sont pétris dans la glaise du refus sans contre-partie.
Courage.
C´est écrit, Dieu est avec nous.
Fraternellement,
Saidou.
7 mars 2001
Elimane »des sables blancs devenus rouges du sang des Héros ».
Je te salue pour tout ce que tu représentes. Je salue non pas le jeune frère, mais celui  qui, par son seul engagement peux faire trembler dans leurs rangs des milliers de cerbères dressés contre notre différence et notre droit simple à la vie et au respect.
Bonne fête de Taaski à toi et à toute ta famille. J´espère que ta maman va bien ? est-elle encore à Nouakchott ?
Pour le reste, je demande que tu veuilles bien attendre mon retour de France et de Suisse (Réunion de Genève pour la Conférence mondiale sur le racisme).
A très bientôt Saïdou.
18 mars 2001. 08.17.54
Kaaw,
J´ai lu, avec Aïssata, avec  joie sans limite le portrait du militant que tu es dans le site du FAAS. Tu mérites vraiment tous les témoignages que j´y ai relevés. Bonne continuation, et tu sais que je ne suis pas démagogue.

14 JUIN 2001
Ceerno  Wocci,
Merci de la diligence.
Je vais essayer avec ce que tu m´as donné de prendre contact avec AL. B.
Sa maman est une cousine de Rindiaw et son père est de Boynadji, apparenté à la famille d´Alpha Amar de Hoore Foonde.
Je serai donc à Neuilly, chez Ndiaye Kane, au numéro( 33) 1 47 22 24 6...
Ce serait bien si, après tout ce temps que je puisse te revoir. Cela me fais toujours du bien de voir mes semblables. Nous n´avons que cette courte vie pour nous aduler ou nous faire du mal. Alors, choisissons volontairement de vivre le bon côté des choses, en toute circonstances. Même devant l´adversité, on peut toujours rendre les choses relatives. Sauf bien sûr, les choses criminelles.
Comme ni toi, ni moi, n´avons ces choses-là à gérer, je ne me hâterai de te rencontrer.
A très bientôt mon petit-frère ami.
Saïdou

ARCHIVES: Hommage à Habib Ould Mahfoudh du Calame:

Je n´ai plus des mots pour exprimer ma douleur. Je n´ai plus de larmes pour effacer cette peine. Je n´ai plus de voix pour exprimer ma révolte.
Habib, notre Habib national, une des plus courageuses plumes de notre pays est parti. Parti pour toujours. INNALILLAHI WA INNAILAYHILA RAJIOUNE. Mon ami Jemal ould Yessa, notre ami commun vient de me l´annoncer sur ma boite par un petit message: "un juste de moins"!
Nous n´aurons plus droit aux "MAURITANIDES" encore moins à ses analyses courageuses et frontales. Quel châtiment!
Comment imaginer "le Calame"sans Habib?C´est comme un ciel sans Lune, c´est comme une nuit sans étoiles, c´est comme un jour sans soleil, c´est comme un repas sans sel.
Lui seul, il constituait la mauvaise conscience du Systéme raciste et ethno-génocidaire de la Mauritanie. Lui seul, il symbolisait le refus du conformisme, lui seul nous rassurait que le bon maure n´est pas le maure mort. Il était le beydane modèle.
Je l´ai rencontré, connu et tissé d´amitié avec lui un certain jour de printemps à Dakar en 1994 à l´hotel Miramar alors qu´il était en mission avec d´autres journalistes mauritaniens à Dakar. Je me souviens aussi de Moussa ould Abdou d´Albayane et de Ahmed ould Jiddou de Mouraqib, que Habib taquinait en me disant devant lui : "il faut te méfier de lui c´est un baathiste, il ne nous aime pas, nous aux idées flamistes". Je l´ai "connu" bien avant cette rencontre exceptionnelle à travers ses écrits et je l´avais déjà adopté dans mon coeur . J´étais très surpris de lui lors de notre rencontre. Il parlait peu, il fumait beaucoup, toujours souriant, il haussait la tête pour ne pas m´interompre. Il partageait presque toutes mes analyses sur la question nationale et sociale en Mauritanie. Aucune réserve, j´étais surpris et étonné par ce "maure" pas comme les autres!
Il n´avait pas peur des FLAM et des flamistes, mieux il nous comprenait parfaitement et reprenait notre vision. Il m´a parlé de ses amis flamistes, anciens promotionnaires comme Barou, Kébé Moussa et Ibrahima Mifo Sow, qu´ils savaient humanistes et très ouverts d´esprit. Etonnant? Malgré notre diabolisation par le regime et de nos adversaires politiques il n´était pas mordu par leur propagande. Quelle indépendance d´esprit? 
N´est-il pas le premier journaliste mauritanien à révéler les atrocités subies par la communauté négro-mauritanienne  dans un historique article paru dans ALBAYANE mais censuré par le pouvoir:"Arabes-Négro-africains: Faillite  d´un mariage de raison" était titré le dossier si j´ai bonne mémoire.
Comme pour marquer l´évènement douloureux et sa particularité, il nous quitte à la veille du Toussaint, la fête des morts, même mort toujours anti-conformiste?
Habib,tu es parti mais jamais mort,nous le refusons.
Comme je le disais impuissant en  juillet 1998 après l´annonce de la mort d´un autre ami, journaliste lui aussi Sennen Andriamirado; J´ai pointé mes yeux vers le ciel bleu, dépité, j´ai lancé: "Qui sauf DIEU pouvait commettre un tel "crime"et rester impuni?". Oui MON Dieu vous récidivez, encore!
Mais en bons croyants nous disons:"A DIEU NOUS APPARTENONS ET A LUI NOUS RETOURNONS". Mais sachez que nos morts ne sont pas morts comme disait le poète.
Habib, un nom qui exprime l´amour et la sincérité.Tu étais unique dans ton univers, tu laisseras un grand vide, difficile pour ne pas dire impossible à combler.
Je crois que tu mérites aussi de cet hommage aux martyrs de la libérté : "ta vie fut combattante, ta mort héroïque, ton sacrifice sacré, ta mémoire éternelle".
Habib, tu ne seras pas là demain au grand rendez-vous de nos rêves: "La Mauritanie libérée et réconciliée" mais tu seras là présent dans nos mémoires. La patrie te sera reconnaissante.
A qui adresser nos condoléances? Au Calame? Aux démocrates mauritaniens? Au peuple mauritanien? A QUI?
Adieu notre Habib. Non,je veux dire aurevoir.
Et la lutte continue.Elimane Bilbassi.

Kalmar le 01 novembre 2001-Suède

ARCHIVES: Lettre d´un compatriote: J´ai mal dans mon pays.

Cher Elimane Bilbassi merci pour la réponse. je connais le combat qu'ont mené les FLAM et qu'ils continuent de mener. J'ai aussi eu des cousins déportés, je vis chaque jour dans les bus, dans les boutiques, dans la rue, dans les administrations et dans les écoles le racisme primaire; chaque jour. chaque fois que je me réveille, je sais que j'aurais une altercation avec un maure car j'ai le "sang chaud". Chaque jour, je prie pour ne pas me battre, pour ne pas contester, pour ne pas subir, mais chaque jour c'est la même chose: c'est des "tfou" et des "gassar amrak" à longueur de journée. ce n'est qu'une fois à la maison, entouré de ma famille que je vis, que je ris, que je souris. Vous imaginez la crispation pour un nègre, nous qui sommes connus pour nos émotions, nos rires? Un nègre-aigre, voilà ce que je deviens, voilà ma triste destinée. Vous au moins, vous avez le droit de parler, le droit de rire, vous ne vous réveillez pas et trouvez au pas de votre porte un maure qui pisse sur votre mur et qui vous dit, imperturbable: "c'est la voie publique", vous avez subi cela, dans le passé, je suis en train de le subir, mais je ne veux pas que mes enfants le subissent.

Les FLAM sont une élite, et en tant qu'élite, ils doivent trouver des solutions pour le noir de Mauritanie. Ils doivent assurer notre sécurité future, notre rire futur, notre bonheur futur. Le travail mené jusqu'à présent a fait connaître les maux dont souffre le noir mauritanien, il s'agit maintenant de trouver des solutions. Ces solutions passent à mon avis par une remise en question perpétuelle "nous n'avons pas fait assez, nous devons faire mieux" . Moi aussi, je fais ma lutte, à ma manière, je n'ai pas eu la chance de voyager, de militer chez les FLAM, mais je me bats pour ma dignité, chaque jour et je suis croyez-moi, en train de m'essouffler; chaque jour je me bats, je ne peux pas tenir le rythme comme beaucoup ici. J'ai mal, j'ai très mal. Je veux reposer mes nerfs, j'ai envie de vivre sans avoir à me battre chaque jour contre un boutiquier, un ânier, un blanchisseur, un administrateur, un conducteur maures. Vous avez la malchance d'être une élite, vous l'avez choisi, c'est tout à votre honneur( moi je n'ai que le choix de me battre chaque jour), établissez le dialogue avec les démocrates et patriotes maures (je me réjouis de savoir que ce dialogue est déjà établi),mais tant que ce dialogue ne se matérialise pas par des actions visibles, nous continuerons à nous battre chaque matin. 


J'ai aussi comme l'impression que notre orgueil, notre "pulaagu" freine notre combat; le "pulaagu" sied aux militants de bases, à ceux-là que nous voulons convaincre, il ne sied pas à une élite intellectuelle, il ne sied pas à des apôtres, il ne sied pas à une "avant-garde". Une avant garde doit savoir raison garder, dire les mots qu'il faut aux gens qu'il faut et à l'endroit qu'il faut; ne pas dire ces mêmes mots, aux gens qu'il ne faut pas, et à l'endroit qu'il faut(toutes les combinaisons possibles). Nous avons une liberté à conquérir, un pays à conquérir, faisons-le avec les armes qu'il faut. L'hypocrisie et la félonie sont des armes(même s'ils n'ont aucune noblesse) utilisons-les contre ceux-là qui l'ont toujours utilisé contre nous. Pourquoi ne trahi- t'on jamais un maure? serait-il plus intelligent que nous? Non, alors faisons-le, prouvons lui notre "bonne foi" en le trahissant, en l'approchant, en le manipulant. On a souvent tendance à croire que si un maure est avec un noir, c'est que le maure le manipule et ça, c'est une insulte à notre intelligence, c'est une insulte à notre race, mais c'est surtout une excuse pour s'éloigner du maure, une excuse pour ne pas "souiller sa race". Vous avez à l'étranger la chance et la liberté de ne pas travailler pour des maures(car ici, nous sommes tous des esclaves du maure); cette chance vous permet de vous asseoir sur le même plateau qu'un maure et de traiter d'égal à égal avec lui sur une question qui concerne la Mauritanie( cela était pratiquement inenvisageable il n'ya pas si longtemps), les maures ont toujours occupé le champ politique et économique de la Mauritanie, sans partage. Aujourd'hui cela est en train de changer, c'est ce changement qu'il faut mettre à profit, c'est ce changement qu'il faut rentabiliser. lorsque je parlais de virage, c'est de ce virage que je parlais. 
il y'a une mondialisation de la contestation, une mondialisation de la protestation et une mondialisation de changement sociétal, il faut donc occuper ce champ et donner de l'envergure à notre lutte. Je me réjouis de pouvoir m'exprimer sur notre site car c'est avant tout celui de tout négro-mauritanien, et j'aimerais pouvoir continuer à m'exprimer sur ce site car nous nous sommes tus trop longtemps.


Fraternellement, Kolli 

Nouakchott-Mauritanie

ARCHIVES: KAAW TOURE- UNE VIE POUR SE LIBERER, Par HERIC LIBONG-DAKAR-SOIR

Le jaune en haut, c´est pour le désert du nord. En bas, le vert incarne la verdure des plaines du sud. Au milieu , il y a du blanc et du noir pour les deux communautés qui peuplent la Mauritanie.Telles le Yin et le Yang, les deux couleurs se fondent l´une de l´autre:" Malheureusement il ne s´agit que d´un drapeau; que d´un symbole d´espoir. Celui des FLAM et de Kaaw Tokossel Touré. La réalité est bien différente: "Bientôt si la politique d´arabisation dans laquelle perdure le gouvernement ne s´arrête pas,dit-il les Noirs n´auront plus de place en Mauritanie". Avec son permanent sourire pacifique sur les lèvres,"petit oncle" "Kaaw Tokosel" en peulh,  Porte-parole des Flam et rédacteur en chef du FLAMBEAU, le trimestriel du mouvement, n´a rien d´un révolutionnaire. A première vue on le prendrait pour un gentil étudiant en droit privé. Rien sur son visage n´exprime la colère de la révolte, la peur, la souffrance de la torture, la prison....ou l´exil. 

C´est en 1987 que Kaaw Tokossel Touré, pourchassé par les autorités mauritaniennes, quitte Djeol, son village natal situé dans le Sud du pays pour rejoindre Dakar. Exil provoqué par la répression, certes, mais surtout par l´ardent désir de continuer une lutte engagée dés l´âge de 15 ans. Conscience politique précoce donc, qui dés les années lycée est venue troubler une trop courte période réservée à la naïveté de l´adolescence: "Le milieu dans lequel j´étais et grandi m´a très tôt influencé et aidé, dit-il. Ensuite, il y a la situation politique du pays. Tu ne peux pas rester insensible à ce que tu subis au quotidien si tu as un minimum de dignité. Les provocations, la discrimination envers les Noirs, tout cela se vit au quotidien. A l´école, dans l´administration, dans la rue, dans l´armée et partout".

Militant du Mouvement des Elèves et Etudiants Noirs, il participe à l´organisation de manifestations culturelles, à la mise en place des conférences en présence d´intellectuels descendant de la capitale et à la publication d´un journal scolaire. C´est en mars 1983, date de la création des FLAM, que le discours politique de Kaaw et de ses camarades prend une autre envergure. Fusion de plusieurs mouvements politique, dont celui des étudiants et des éléves, anti-raciste et anti-esclavagiste par essence, les FLAM se veulent être une organisation non ethnique et non raciale dont l´objectif est d´éradiquer toute forme d´oppression et de discrimination.
 Parti du principe de la revendication politique, le mouvement n´exclut aucune autre forme de lutte. Le "Manifeste du négro-mauritanien opprimé" publié en 1986 sonnera le point de départ de cette nouvelle donne: "Nous avions fait une analyse de la situation politique du pays en montrant chiffres à l´appui comment la discrimination se caractérisait dans tous les secteurs de l´Etat.". Coup d´envoi d´une prise de conscience politique mais aussi début de la clandestinité. Du 4 septembre 1986 à début janvier 1987, une centaine de militants, d´intellectuels et d´étudiants Noirs sont arrêtés. Kaaw en faisait partie. Il avait à peine 19 ans.

"SUPPLICE DU JAGUAR"

Une paire de grosses menottes pend sur le mur du salon. Accroché là, juste à côté du drapeau. Comme pour conserver bien vivace l´esprit de la lutte: "elles appartiennent au doyen Ablaye Malickel Sy, dit-il. Il a été enfermé pendant 4 ans à Oualata". Kaaw se souvient comme si c´était hier de son arrestation. Il revoit encore la dizaine de gendarmes venus encercler sa maison, la frayeur dans le regard de sa mère et la dernière prière du matin juste avant de se faire passer les menottes comme un criminel dit-il: "Nous avions des amis dans la police et dans la gendarmerie qui nous avaient averti, mais je ne voulais pas quitter mon pays et abandonner la lutte comme cela".
 Il se souvient également de la torture, "du supplice du jaguar"et de cette matraque qui s´abattait sur ses plantes de pied quand, immobilisé par des barres de fer, recroquevillé sur lui même et retourné la tête en bas, le sang lui giclait des yeux. Pendant une semaine: "ils voulaient que l´on avoue avoir porté atteinte à la sûreté de l´Etat. Nous étions enfermés dans le noir. A plusieurs dizaines dans une petite cellule. Sans aucun sanitaire, sans aucune fénêtre. On manquait d´air. A la limite on était content de se faire interroger dans la salle de torture parce que l´on pouvait voir la lumière du jour et respirer un peu". Suivront un mois de détention et un simulacre de procès sans avocats. Les plus influents prirent quatre, cinq ans voire plus avant d´être transférés plus tard dans l´enfer de Oualata. Cet ancien fort colonial devenu prison-sanctuaire, trônant au milieu du désert où le climat,les travaux forcés et les constantes brimades des gardiens viennent à bout des convictions les plus coriaces. Quelques noms Djigo Tafsir ancien ministre,Tene Youssouf Guéye, ancien ambassadeur de Mauritanie à L´ONU y ont laissé la vie. Bénéficiant certainement de son jeune âge, cette épreuve a été épargné à Kaaw le plus jeune prisonnier politique mauritanien à l´époque. Pour lui, ce sera la prison civile de Kaédi dans le Sud pour 6 mois fermes. Mais il lui en fallait beaucoup plus pour renoncer, car dés sa sortie il remet ca en participant à des réunions clandestines et à des nouvelles manifestations contre l´exécution de 3 officiers noirs en décembre 1987. De nouveau recherché, il quitte à temps cette fois, et se rend au Sénégal voisin :" Je me suis rendu compte que la lutte pouvait être aussi plus efficace à l´extérieur du pays".

CONFERENCES ET TOURNÉES

Tout au long de la discussion un jeune homme allongé sur un des matelas posés sur le sol, écoute tranquillement. Kaaw se tourne vers lui et explique qu´il a été déporté avec toute sa famille alors qu´il suivait des cours de terminal. Aujourd´hui, il fait partie de la centaine de membres du mouvement présents à Dakar. Vêtu d´un tee-shirt floqué du drapeau des des FLAM, son militantisme ne trompe pas: "Nous nous réunissons régulièrement et chacun cotise ce qu´il peut selon les bourses. Avec l´argent nous gérons le mouvement, nous organisons des tournées. Nous confectionnons des tee-shirt et nous publions notre journal qui est trés vendu".
Paradoxalement, l´entrée du mouvement dans la clandestinité a contribué à son essor. Présent en Afrique, aux Etats-Unis, en France et même en Scandinavie, les FLAM en un peu plus de 10 ans, ont réussi à cristalliser l´opinion internationale sur les questions des droits de l´homme en Mauritanie. Human rights watch, Amnesty international,la FIDH et autres organisations humanitaires suivent la cause á la loupe. Et Kaaw et ses camarades arrivent depuis Dakar,à la plaider à l´étranger. La fête de l´Humanité en septembre de chaque année et la conférence co-organisée par le parti communiste francais (PCF)et le parti au pouvoir au Burkina Faso à Ouagadougou en octobre dernier où ils étaient invités,témoignent du soutien dont ils bénéficient: "Nous sentons qu´il y a une évolution dans la lutte, dit-il. Quand on pense qu´il y a plusieurs années, on ne parlait pas de nous, on nous diabolisait,tout le monde avait peur de nous".
A Dakar, certains partis politiques leur ont fait part leur soutien et les invitent à leurs différentes manifestations et congrés. Mais diplomatie oblige, les manifestations, les colloques et les interventions de Kaaw dans les médias nationaux et internationaux sont ponctués de discrets mais fermes rappels à l´ordre des autorités: "Dans l´ensemble on nous laisse tranquille mais parfois on nous fait comprendre que nous sommes des réfugiés et qu´on nous a accordés l´hospitalité". En d´autres termes de ne pas faire trop de bruit: "Je pense qu´il y a des pressions du petit dictateur de Nouakchott et que quelque part nous gênons. En tout cas partout où nous allons nous sentons la filature du pouvoir mauritanien". Et puis il y a l´exil, toujours difficile à supporter surtout quand on risque sa vie en rentrant: "Ne pas pouvoir voir son pays ,est ce qu´il y a de pire pour un homme", déclaret-il.

Héric Libong
Photos Djibril SY- DAKAR-SOIR-MARS 1999

RFI-AFRIQUE: Mauritanie: le retour au bercail des activistes des FLAM

En 1983 naissaient les Flam, les Forces de libération africaines de Mauritanie, un mouvement qui disait vouloir libérer la communauté négro-mauritanienne d'un système jugé raciste. La publication polémique en 1986 du «manifeste du Négro-mauritanien opprimé» puis les violents affrontements communautaires entre arabo-berbères et négro-mauritaniens de 1989-91 ont contraint nombre de ses membres à quitter le pays. Ce mardi, le président des Flam, Samba Thiam, et son porte-parole, ont regagné Nouakchott, après 23 ans d'exil.
Ce retour pour Samba Thiam, c’est d’abord l’émotion de retrouver son pays natal. « Je suis très ému ! Et je suis aussi très heureux de fouler le sol national. J’ai été profondément ému de constater que cette foule, sous cette chaleur torride, était là pour m’accueillir. C’est une manière de m’affirmer que les vingt-trois ans d’exil n’ont pas été vains ». 
À leurs débuts, les FLAM se voulaient une force de libération des Négro-Mauritaniens, considérés comme victimes d’un système raciste qu’il fallait combattre, y compris par la lutte armée. Aujourd’hui, la cause est restée la même, mais la façon de combattre a changé, explique Samba Thiam.
« C’est vrai que nous ne pouvons pas nier d’avoir eu recours à la lutte armée. Mais ce sont les conditions de l’époque qui l’exigeaient ! Aujourd’hui, nous nous inscrivons résolument dans le jeu de la légalité et dans le jeu démocratique. Nous sommes partis d’ici parce que nous ne pouvions pas nous exprimer ! Nous sommes revenus dans l’espoir de pouvoir nous exprimer ! Nous souhaitons mieux nous impliquer dans le jeu politique, l’exil ne pouvait pas durer, il fallait donc rentrer ».
Parmi la centaine de militants réunis pour l’occasion, Abdullay, étudiant en droit : « J’ai 24 ans. Je n’ai donc pas connu les FLAM. Mais j’ai lu leurs écrits, et pour moi, le combat qu’ils mènent pour la justice est toujours d’actualité », souligne-t-il
RFI.

MAURTIANIE - Retour au pays de certains cadres négro-mauritaniens après 27 ans d’exil : Les Flam se ravivent

Après 27 ans d’exil au Sénégal et en Suède, le porte-parole des Forces de libération africaines de Mauritanie (Flam) s’apprête à rentrer au pays. Derrière la joie des retrouvailles, Kaaw Touré entend raviver la lutte que son mouvement a toujours menée contre le racisme d’Etat et l’exclusion des populations négro-mauritaniennes.
«J’ai quitté le pays alors que j’étais très jeune. Et je rentre majeur. J’étais célibataire, je rentre marié et père de famille. Beaucoup de choses ont changé. Je ne sais pas ce que je vais voir, mais je sais que je ne verrais pas beaucoup d’amis et de parents proches qui ont quitté ce monde après mon exil. Mais il y a aussi l’espoir de voir une autre Mauritanie réconciliée et plus ouverte.» L’avion d’Air Mauritanie, qui se posera ce mardi sur la piste de l’Aéroport international de Nouakchott, aura à son bord un homme blessé et pressé de retrouver un pays réconcilié avec lui-même.
En effet, après 27 années d’exil au Sénégal puis en Suède, le militant mauritanien des droits de l’Homme Kaaw Touré va de nouveau fouler le sol de son pays natal. A quelques heures de ce rendez-vous, l’homme garde sa sérénité, mais laisse quand même transparaître une certaine fébrilité qui le pousse à lancer une alerte sur les medias. «La seule précaution qu’on a prise, c’est d’alerter les médias et les organisations de défense des droits de l’Homme africaines et internationales. Mais aussi l’opinion mauritanienne que nous prendrons à témoin», explique le militant qui s’est arrêté au Quotidien sur le chemin du retour vers le pays natal. D’autres figures de ce mouvement en exil retrouvent le pays natal pour poursuivre le combat chez eux.
Porte-parole des Forces de libération africaines de Mauritanie (Flam), un mouvement de revendication de Négro-mauritaniens interdit depuis 1986, Kaaw Touré envisage son retour après quelques signes d’ouverture que le gouvernement de Mohamed Ould Abdel Aziz a laissé entrevoir. «Nous avons envoyé une mission de prospection sur le terrain pour redynamiser les structures, contacter les organisations de défense des droits de l’Homme et même les autorités. C’est dans ce cadre que je suis là, parce j’ai décidé de rentrer au pays ce mardi», dit-il.
Selon le porte-parole des Flam, les conditions ont légèrement évolué sous le ciel mauritanien. «En 1986, on ne pouvait pas s’exprimer librement ni dénoncer le racisme et l’esclavage. Aujourd’hui, il y a des mouvements qui reprennent notre discours et nous pensons qu’il y a une certaine liberté d’expression même si les problèmes que nous posions restent entiers. C’est le problème de la cohabitation, le racisme d’Etat ou l’apartheid qui sévit toujours et qui exclut les Noirs», détaille-t-il. Les Flam qui s’arcboutent sur ces revendications prônent un partage équitable du pouvoir entre les différentes communautés et le droit au retour des refugiés installés au Sénégal depuis les malheureux événements de 1989. «Il faut qu’ils soient réhabilités dans leurs droits, qu’ils retrouvent leur citoyenneté à part entière et leurs terres de culture et que les anciens fonctionnaires puissent être réinsérés», égrène M. Touré. Il s’y ajoute le désir de comprendre certains événements. «Plus de 530 Noirs ont été tués dans des purges et jusqu’à présent il n’y a pas eu de commission d’enquête, les tortionnaires n’ont pas été jugés et les criminels sont toujours là. Nous voulons que la lumière soit faite sur tout ça», exige-t-il. Mais les Flam ne manqueront pas aussi de prendre à bras le corps la question du recensement, initié par le gouvernement et dans lequel les Noirs se sentent exclus, promet M. Touré.

Contre un racisme d’Etat

La répression contre les Flam a débuté en 1986. Kaaw Touré explique que c’est  après la rédaction du «Manifeste du Négro-mauritanien opprimé», un pamphlet dénonçant le racisme et l’exclusion des Noirs sur les plans économique, culturel et politique et dans la gestion des affaires de la République que les persécutions ont commencé. «Ça nous a valu la répression la plus cinglante et la plus haineuse de l’histoire de la Mauritanie. Beaucoup de nos cadres ont été arrêtés, jugés et emprisonnés dans la prison-mouroir de Walata. C’est l’une des plus horribles prisons du pays et certains de nos camarades comme l’écrivain Teen Youssouf Guèye y ont laissé la vie. Et depuis, le mouvement est interdit en Mauritanie.» Des événements qui ont marqué au fer rouge l’esprit du jeune homme de 18 ans qu’il était alors. «J’étais très jeune, mais on m’a arrêté et jugé. On m’a condamné à 6 mois de prison. Après ma libération, j’ai continué la lutte. C’était en 1987 et ils avaient également arrêté beaucoup d’officiers négro- mauritaniens qu’on soupçonnait de vouloir renverser le régime. Ils ont exécuté trois d’entre eux. Alors, on a organisé un soulèvement populaire. On a voulu m’arrêter à nouveau et j’étais obligé de prendre le chemin de l’exil. Je suis venu au Sénégal où j’ai continué la lutte avec d’autres camarades pour sensibiliser l’opinion nationale et internationale sur ce qui se passait en Mauritanie. En 1999, il y a eu des pressions diplomatiques du gouvernement mauritanien sur le régime de Abdou Diouf. On m’a expulsé du Sénégal le 7 juillet 1999. Et grâce aux Nations unies, j’ai obtenu l’asile politique en Suède où je vis depuis des années et où je continue la lutte.»
Des décennies plus tard, le mouvement va enfin pouvoir mener ses activités au grand jour. C’est ainsi qu’un accueil populaire est prévu pour le «héros» ce mardi. «Nous pensons créer un vaste rassemblement de toutes les forces vives ou démocratiques qui se reconnaissent dans notre mouvance», souligne M. Touré. Il n’exclut pas d’investir le terrain politique pour mieux porter ses rêves d’une société mauritanienne plus égalitaire.
mamewoury@lequotidien.sn (LE QUOTIDIEN-Sénégal 

Il était une fois… la Mauritanie autrement : le salon de N'Gaïdé

Beaucoup d’étudiants et de familles qui sont passés en Tunisie connaissent bien ce diplomate mauritanien qui dans les années quatre-vingt avait grand ouvert les portes de sa maison à tous les mauritaniens.

Voyageurs de passage, étudiants en rupture de bourse, expulsés de pays voisins, sans papiers… tout le monde se retrouvait chez N’Gaïdé et jamais il ne se plaignait. Il recevait tout le monde et personne ne déclinait son identité pour bénéficier du toit de N’Gaïdé. Il avait besoin d’un toit, d’un gîte ou d’un couvert, N’Gaïdé le lui offrait. C’est autant dire que le salon de N’Gaïdé était le lieu de rencontre de tous les mauritaniens, sans distinction d’ethnie, de langue, de couleur ou de provenance.

Dans ce salon, les femmes maures, toucouleurs, soninké, oulofs et de bien d’autres ethnies s’occupaient des bébés des unes et des autres, cuisinaient ensemble, partageaient les mêmes lieux avec un sens infini de l’amitié et de l’entraide…. Les enfants eux-mêmes s’attachaient souvent à des femmes qui n’étaient pas leurs propres mères et quand le temps arrivait de se quitter, on assistait à d’émouvants adieux. Jamais on n’a pu voir une telle osmose de gens de différentes ethnies, de différents langages que dans le salon de N’Gaïdé.

Et ces enfants qui dans le salon de N’Gaïdé se sont assoupis dans les bras de quelque étranger de passage , ces enfants toucouleurs qui ont vécu et joué avec des enfants maures dans le salon de N’Gaïdé sous le regards de leurs pères à l’heure d’un thé partagé et ces femmes qui nourrissaient des bébés d’autres femmes en leur absence et qui ne savaient même pas comment leur dire « mange » dans leur langue, sont des images d’une grande sagesse …Et quelles images sont-elles là,  sinon ce que devrait être la Mauritanie.

Le salon de N’gaïdé, n’est pas une allégorie, il a eu l’immense avantage d’exister pour tous ceux qui l’on visité durant ces années-là . Il leur en est resté une inestimable expérience ; celle d’avoir vécu la Mauritanie autrement.

Nous voulons un Etat à l’image du salon de N’Gaïdé. Un Etat où tous nos enfants se sentent enfants de Mauritanie, sans distinction, de couleur de race ou d’ethnies. Nous voulons que l’Etat soit un toit pour nos enfants de demain tel que le fut dans la tolérance et le partage le salon de N’Gaïdé.

Le salon de N’Gaîdé où souvent a éclaté la bonne humeur en langues et dialectes multiples a certes donné à tous ceux qui y sont entré la chaleur d’un foyer loin du pays mais plus important que cela encore, il est certain que ceux , tous ceux, qui y ont trouvé cette osmose se sont certainement retournés en le quittant . Ont-ils compris que ce qui nous sépare est bien moins important que ce qui nous unit ?

A la vieille de cette démocratie naissante, faisons que pour nos enfants, demain l’Etat mauritanien ressemble au salon de N’gaïdé.

Pr ELY Mustapha

ARCHIVES: Interview de Kaaw Touré, Porte-parole des FLAM avec le site Al Yowm

    "Ceux qui s´agitent actuellement pour le retour de Taya n´ont pas de respect pour la Mauritanie, font de la provocation pour déstabiliser le régime du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi".
    Mouhamadou Touré dit Kaaw est natif de djéol. Militant des FLAM depuis toujours, il fût le plus jeune prisonnier politique de la Mauritanie. Kaaw est en exil depuis plus de deux décennies. Le Monsieur communication des FLAM a bien voulu partager une tranche de sa vie avec nos lecteurs. Il revient aussi sur des questions d’actualité et sur le fonctionnement des FLAM.
    AL YOWM : Voulez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
    Kaaw TOURÉ : Je m´appelle Mohamadou Ousmane Samba Racine Touré, mais pour les intimes, Kaaw Tokosel Tuure. Je suis originaire de Djeol dans le Gorgol et j´ai 40 ans dont la moitié ( 20 ans ) passée en exil, après mon passage en prison en 1986 suite à la publication du "Manifeste du négro-mauritanien opprimé" et qui faisait de moi le plus jeune prisonnier politique mauritanien à l´époque.
    Je réside en Suède depuis 1999, après mon expulsion du Sénégal suite aux pressions diplomatiques de l´ancien dictateur Ould Taya. Je suis actuellement le Secrétaire national à la communication et porte parole des Forces de libération africaines de Mauritanie et par ailleurs webmaster du site Flamnet.
    AL YOWM : Les FLAM, hier et aujourd’hui. Si on vous demande de nous faire un bilan ?
    Kaaw TOURÉ : Faire le bilan des Flam c´est faire l´histoire d’une résistance patriotique des plus opiniâtres, celle qui n´a jamais plié, ni dévié, celle qui n’a jamais été ni récupérée, en dépit des manoeuvres et agressions de toutes sortes. Les F.L.A.M. constituent sans conteste, dans 
    l’histoire de notre pays, la force politique qui a fait montre de la résistance la plus longue et la plus constante.
    L´histoire des FLAM ou le bilan des FLAM, c´est comme on le disait dans notre document historique "la longue marche des FLAM" et je cite : " c´est une histoire de près de 25 ans de lutte opiniâtre contre un système à fondement raciste. 25 ans de résistance acharnée au cours de laquelle la marche de notre organisation fut longue et pénible ; Chaque étape franchie et chaque acte posé le furent comme dans une course d’obstacles. On franchissait le premier, un autre était déjà là, plus haut, Et un autre derrière, encore plus difficile".
    L´histoire retiendra aussi que les FLAM ont fait l´histoire de ce pays. Nous avons été les premiers à nous insurger contre le dictateur Ould Taya et le système discriminatoire qu’il a solidement conforté. Cela nous a valu la repression la plus sanglante, la plus cinglante et la plus haineuse jamais enregistrée dans ce pays.
    Depuis leur création les FLAM s´étaient fixé entre autres objectifs : la résolution de la question nationale, la lutte contre l´esclavage et les pratiques féodales, l´instauration d´une véritable démocratie en Mauritanie où le fait d´être arabe, noir, haratine, znaga ne serait ipso-facto une condition rhédibitoire. C´est ce paradigme que nous avons rappelé et voulu concrétiser en Mauritanie qui nous a valu la dénonciation, la répression jusqu’à l’élimination physique de ceux que nous comptions de plus chers dans notre mouvement.
    A l’époque, cependant il ne s’était pas trouvé suffisamment de bonnes volontés dans les formations politiques concurrentes pour formuler, avec autant d’exigence que nous, la revendication d’une réelle égalité entre tous les citoyens mauritaniens. Mais tel le roseau de la fable qui ploie sous la poussée de la bourrasque sans pour autant casser, les FLAM ont survécu à toutes les tempêtes de sable du régime de Taya. Nous avons payé cher notre droit à l´expression et à l´épanouissement dans ce pays.
    Aujourd´hui il est facile de se réclamer de l´opposition et de bomber le torse, nous n´avons pas attendu la démocratisation du pays ou l´avénement de l´internet pour dire notre mot dans la gestion de ce pays. C´est grâce aux FLAM que l´opinion internationale a découvert le vrai visage du régime mauritanien et l´apartheid méconnu de notre pays.
    C´est grâce aux FLAM que le monde occidental et africain a découvert l´esclavage, le sort des déportés mauritaniens que notre ami feu Sennen Andriamirado de Jeune Afrique nommait "les Palestiniens de l´Afrique de l´Ouest".
    C´est grâce aux FLAM que le génocide planifié par des franges intolerantes et aggressives de nationalistes arabes a echoué. C´est grâce aux FLAM que les tortionnaires et autres génocidaires sont pourchassés et interdits de séjour dans des pays respectueux des droits de l´homme. C´est aussi grâce à l’impact de notre discours clair, cohérent et suivi, que les masses négro-africaines allaient prendre, pour la plupart, conscience de leur oppression. C´est aussi grâce à notre encadrement que les déportés ont résisté pendant ces 18 ans aux chants des sirènes, et maintenu intacte la tension du retour jusqu´à la reconnaissance officielle récente de leur déportation par le nouveau régime.
    On ne le dira jamais assez, un de nos acquis le plus essentiel, demeure celui d’avoir réussi, surtout, à rompre le mur du silence qui entourait cette politique ignominieuse de discrimination à caractère raciste et de pratiques esclavagistes dont sont victimes les populations noires mauritaniennes.
    La Mauritanie est un pays secret ; nos dirigeants politiques se sont toujours évertués à soustraire à la curiosité internationale les problèmes de fond du pays, par la dissimulation. 
    L’une des choses que Ould TAYA n’a jamais réussi à digérer est bien que nous ayons pu diffuser « Le Manifeste du Négro-Mauritanien opprimé » à l’extérieur, au sommet de Hararé, au Zimbabwe.
    Aujourd´hui toute la classe politique parle dans son ensemble de l´unité nationale, du retour des déportés, du passif humanitaire, chose fort heureuse, alors qu´hier ces sujets étaient tabous et considerés comme "fond de commerce des nationalistes étroits, des ennemis du monde arabe à la solde du sionisme". L´histoire vient encore une fois de démontrer que seule la vérité est révolutionnaire ; nous n´avons jamais failli dans notre mission de sentinelle du pays, de garde-fous de la démocratie, d´objecteurs de conscience mais surtout de combattants de la liberté.
    Le régime de Taya et même celui de la transition ont cherché, en vain, par tous les moyens à nous casser, à nous marginaliser. Ils ont essayé par la répression, la corruption, mais le socle dur est resté ferme et déterminé, loin de tout opportunisme et amateurisme, pour faire aboutir nos revendications les plus essentielles.
    AL YOWM : A quand la fin de l’exil de la direction des FLAM ?
    Kaaw TOURÉ : C´est une bonne question mais comme vous le savez, en tant qu´ancien exilé politique vous-même, qu´on ne choisit pas l´exil de gaieté de coeur. Le mal du pays vous occupe et vous déchire les entrailles comme disait l´auteur des Exilés de Goumel. Le pays nous manque beaucoup ; nous n´avons comme richesse sur cette terre que notre pays natal, nous y tenons comme la prunelle de nos yeux ; c´est pour cette raison que nous nous sommes insurgés contre le système, c´est pour cela que nous avons accepté l´âpreté de l’exil et les souffrances des cachots. A quand la fin de l´exil ? Nous sommes en voie d’y apporter une réponse. Et je présume que ce sont tous nos concitoyens qui l’attendent avec intérêt et impatience. Notre conseil national qui se réunira très prochainement statuera sur la question. Il faut espérer que cet exil prendra bientôt fin.
    AL YOWM : Les FLAM comptent-ils un jour chercher la reconnaissance légale par les autorités mauritaniennes ?
    Kaaw TOURÉ : Le plus important pour nous, c´est la reconnaisance de fait des FLAM , par ce qu’elles incarnent, aussi bien par les autorités que par la classe politique dans son ensemble, et par l´opinion internationale. La reconnaissance légale n´est en fait qu´un simple certificat de naissance qui n´empêche pas à un enfant de vivre ou d´exister, une simple formalité administrative. Il me semble prématuré d’en parler maintenant, même si rien est à exclure. Mais je puis vous assurer que les FLAM resteront conséquentes en continuant à privilégier toutes les solutions qui réglent les contentieux nationaux et favorisent la réconcialition entre nos communautés.
    AL YOWM : Quelle est votre analyse de la situation du dossier des réfugiés ?
    Kaaw TOURÉ : Le dossier des réfugiés, comme vous le savez, nous tient beaucoup à coeur ; et il faisait partie, avec le passif humanitaire, de l´une des conditions que nous avions posées pour la décrispation du climat social en Mauritanie. Le discours historique du 29 juin du Président de la République, nos échanges avec lui pendant la campagne électorale entre les deux tours et sa récente rencontre avec notre président Samba Thiam à New York en marge de l´assemblée générale des nations unies nous incitent à l´optimisme, même si nous savons qu´il y a toujours des forces hostiles tapies dans l´ombre, oeuvrant pour la perpétuation du système, qui veulent faire échouer le projet du rapatriement des déportés. C´est ce qui explique, en grande partie, les tergiversations, les manquements et l´amateurisme constatés dès l´entame du projet.
    En résumé, par rapport à ce dossier, il ne serait pas réaliste de nier qu´il y a des efforts consentis, certains ; mais il faut continuer à ameliorer. Il faut surtout, pour réussir la réconciliation, éviter la solution du « fait accompli », ou de type à générer ressentiments et frustrations. Nous avions salué, en son temps , l´initiative du président de la République mais nous devons plus que jamais restés vigilants pour faire aboutir le réglement de ce dossier et aborder les autres points qui attendent toujours comme le passif humanitaire et surtout l´épineuse question de cohabitation que certains nomment pudiquement "la question de 
    l ´unité nationale".
    AL YOWM : Maouya bientôt en Mauritanie. Qu’en dites-vous ?
    Kaaw TOURÉ : Si Maouya veut rentrer en Mauritanie, libre à lui, mais il doit assumer son passé et être prêt à répondre de ses crimes , devant la justice nationale ou internationale. Ceux qui s´agitent actuellement pour le retour de Taya n´ont pas de respect pour la Mauritanie, font de la provocation pour déstabiliser le régime du président Sidi Ould Cheikh Abdallah. Nous ne pouvons expliquer certaines coïncidences troublantes dans ce pays. A chaque fois que le problème des déportés est évoqué on voit surgir des manifestations « spontanées », on fait courir la rumeur de bruits de bottes, on assiste à des actions terroristes, des tracts de diversion circulent, on agite le spectre du retour de Taya.
    Tout ceci ne peut être fortuit. C´est comme s’il y avait une main invisible qui chronométre tout cela, selon un agenda bien défini. Je n´accuse personne, mais je crois à la manipulation et à la préparation du retour d´un « messie » pour sauver la Mauritanie du « démembrement et de l´impasse ». Ce qui est abérrant dans toute cette campagne c´est d´entendre certains plumitifs et politiciens regretter l´ère du dictateur. Cela est une offense à notre dignité et c’est certainement manquer de respect pour notre peuple, comme pour dire que nous ne méritons que la médiocratie.
    AL YOWM : La Mauritanie et le terrorisme quelle est votre analyse ?
    Kaaw TOURÉ : Si vous regardez le parcours de ces prétendus moudjahidines, vous ne verrez que des anciens bandits de grands chemins"reconvertis", des petits criminels et qui n´ont rien à avoir avec notre sainte religion, qui est une réligion de paix et de tolérance. Qu´ils nous laissent vivre notre foi et nos pechés en paix dans ce monde, et Dieu seul pourra reconnaître les siens. Ne dit-on pas dans le saint livre qu´Allah est le plus juste des juges ? « alayssa´allah bi ahkamil hakimine » Nous, au niveau des FLAM, considérons ces évènements graves autour de ces illuminés comme une menace sérieuse, un danger auquel il faut faire face avec fermeté certes, mais aussi avec beaucoup de discernement.
    On ne réglera pas le problème en se contentant de punir les exécutants. Il faudra aller au-delà, mesurer l’impact de ce discours d’intolérance , fanatique, et en déterminer les causes profondes. Ce terrorisme aveugle, à vocation apocalyptique , prospère sur le lit des frustrations et des misères des populations vulnérables parce que sous-éduquées et/ou laissées pour compte. Il faut aussi dire qu´à vouloir copier le monde arabe en tout et pour tout, on finit aussi par en prendre, hélas, les côtés pervers
    AL YOWM : Connaissez-vous Brediley. Que vous inspirent ses récentes productions ?
    Kaaw TOURÉ : Bredileil ou "la fraicheur de la nuit" c´est son nom traduit en Francais parait-il. Je n´ai pas eu l’occasion de connaitre l´homme sinon à travers sa pensée et ses écrits et surtout à travers les témoignages de nos camarades qui l´ont connu en prison en 1987. Tout ce qu´on sait de lui, c’est qu´il est un partisan acharné de l´arabisation de la Mauritanie, quel qu´en soit le coût, qu´il est l´idéologue du baathisme repoussant et intolérant dans notre pays. Bredeleil a une part importante de responsabilité, lui et ses camarades, dans les dérives nationalistes et fascistes du régime de Ould Taya. Il n´y a en réalité qu´un extrémisme en Mauritanie, c´est celui, intolérant, du Baas et des nasseriens.
    Les positions de Bredeleil ne me surprennent donc guerre. Ce qui me surprend c´est plutôt le silence des prétendus progressistes ou objecteurs de conscience, face à ses prises de position qui puent le racisme abject. J´espére qu´un jour, les mauritaniens auront l´opportunité de se parler à travers un débat national autour de cette question de la cohabitation, et ce sera une bonne occasion pour finir une bonne fois pour toutes avec des idéologies importées et s´atteler à la construction d´une Mauritanie réconciliée et fière de sa diversité culturelle, de sa position géographique et de sa composition sociologique. En attendant nous disons comme toujours la lutte continue.

    Propos recueillis par Abdallah Ould Hormatallah et Camara Seydi.
    Le 20/05/08

NOTRE COMBAT

Notre combat est des plus hardis mais aussi des plus exaltants. Nous le continuerons en restant unis dans la détermination et dans la fidéli...