tisdag 15 augusti 2017

FLAMNET- AGORA : Portait d'un grand combattant de la liberté(PARTIE 2)

Kaaw Tokossel  l'Homme  
Kaaw Tokossel est courtois, affable et de commerce facile; le sourire toujours en bandoulière. De son allure débonnaire se dégage une bonne humeur contagieuse. Il lui arrive de piquer des crises de rire qui peuvent  durer des heures et des heures, ce rire si caractéristique; mi-gémissements, mi-gazouillements.
Comme ce jour où je lui raconta l'histoire de ce vieux peul qui vivait à Marseille dans les années 50 et qui était de passage au siège des FLAM à Ouagou Niayes. Ce vieux nous raconta, camarade Thilo Niang(épouse du président Samba Thiam) et moi: qu'un jour revenant de Marseille, leur avion tomba en panne en plein vol et ils étaient suspendus dans les airs pendant plus de 2 heures en attendant l'arrivée des secours de Dakar. Thilo lui lançait de temps à autre des " Alaa Baaba…", le vieux renchérissait de plus belle : ”Arrivé sur les lieux, l'avion de secours nous jetta des cordes, accrocha notre avion nous tira jusqu'à Dakar...”.  Le jour je lui rendu compte de cette  conversation, Kaaw rit jusqu'aux larmes; il en riait des semaines durant de cette prouesse des secouristes de cet avion particulier.  

Kaaw est un pur Torodo, pas dans le sens peul ou féodal du terme, très vague a mon sens; mais plutôt dans le sens maure du terme ; un Zwaya, c'est a dire un noble (Dimo), humble et généreux au service des petites gens ( excusez l'expression). Je ne l'ai jamais entendu "crier sa torodité" on dirai qu'il s'en veut d'avoir naquit dans une grande famille des ”Elimane Jowol” ou Almamy, tellement il est modeste. N'GUZ est très généreux, une générosité spontanée, naturelle, et désintéressée. Il donne tant en période de vaches grasses qu'en période de vaches maigres. Il n'est pas de ceux, nombreux qui ne donnent que le trop plein; mais partage tout le temps car c'est sa nature. Les rares moments ou il lui arrivait de " ramasser le calepin d'un blanc", il attendait des jours et des jours de voir l'un de nous, camarade Ousmane Amadou Diallo ou moi et nous lancait: ''Sehilam ar nyamoyen gertoode". Toujours l'esprit de partage, c'est comme ca qu'il est.

 Le plus étonnant chez Kaaw est l'évantail de gens qu'il connait. Des personnes de toute condition sociale. Des quartiers populaires, à la bourgeoisie en passant par la banlieue.

Le landerneau politique sénégalais est son terrain de prédilection, la lutte oblige. Il s'y sent à l'aise jusqu'en devenir le chouchou. Kaaw peut causer avec Talla Sylla, plaisanter avec Abdou Fall ou débattre avec feu Pr Sémou Pathé. Son rôle de porte-parole des ex-FLAM qu'il a si bien rempli a fait de lui une sorte de mascotte des organes de presse au Sénégal avant son expulsion de ce pays frère en 1999 suite aux pressions diplomatique de la Mauritanie. Ces relations avec les médias? Je ne vais même pas m'y attarder; " It's very simple" come on dit ici: Kaaw connait tous les journalistes et touts les journalistes connaissaient Kaaw. Il va de soit que le milieu Haal pulaaren ne saurait demeurer en reste. En vrai Fuutanke enraciné, Elimane Bilbassi a su y cultive des relations solides et diversifiées avec les différentes associations culturelles. Il est l'ami du vendeur de lait du coin, du vendeur du journal de la rue, du cireur des chaussures, prend le thé avec Ngaari Laaw et peut tapper à la porte de Samba Diouldé Thiam ou d´Alioune Tine de la Raddho à n'importe quel moment. C'est ce substrat de qualites humaines qui font de Kaaw le grand militant qu'il a toujours été.

 Kaaw Toure le militant

 Kaaw est un vrai militant, un militantisme sincère et dévoué. Loin de
cet activisme mégalomaniaque oh combien fréquent chez nous, des "militants" qui viennent à la cause juste pour pavaner leur petite personne. Toutes nos organisations ont connu ces fanfarons avec leurs phraséologie sans tête ni queue qui accourent en masse au début, mais ne tardent pas à se dérober dès que les choses sérieuses commencent. Et ceux nombreux qui ne cherchent qu'à se faire un nom dans lutte avant d'aller vendre leur âme au diable pour quelques strapontins.

En vérité,  il n'est pas facile de militer; en dehors des obstacles inhérents à toutes lutte de libération; longue durée, déséquilibre des moyens, dissentions..., la notre est plombée par des facteurs intrinsèques uniques à la societé négro-mauritanienne. En effet, nos normes sociales font qu'il y a un âge pour tout; un âge pour s'amuser, apprendre, travailler, fonder une famille et aller à la mosquée. La lutte, tant et si bien qu'elle soit nécesaire parfois, ne saurait être qu'une étape de la vie située probablement entre s'amuser et apprendre. La preuve, touts nos combats sont en majorité portés par les élèves, étudiants ou chômeurs contrairement a beaucoup de societés ou il y a une adhésion totale à la cause et une distribution des rôles en fonction des capacités de chaque groupe d'âges. Dans notre société, les pressions sociales opèrent  une espèce de séléction naturelle qui ne présérve que les individus résistants.  

Il y a ceux, qui, à la moindre pression, cédent et ne résistent  pas; il y a ceux qui plient et ne rompent pas, mais il y a surtout ceux qui tiennent ferme et ne vacillent pas. Kaaw fait partie de cette poignée de militants qui ont mis leurs vies entre parenthèses le temps de la lutte. Il n'a jamais cherché à se caser dans un travail bien rémuneré pour oublier la lutte ou à s'émigrer. Il n'a fondé de famille que tard dans la vie. Comme ces nombreux rebelles qui ont juré de ne se jamais raser la barbe avant la victoire.

Elimane Bilbassi saisi chaque occasion pour faire avancer la cause, comme le jour ou il faillit transformer sa soutenance en réquisitoire contre Taya et son régime. L'un des membres du jury n'ayant rien touver à lui reprocher, lui lanca ceci:”…je ne sais pas qu'est ce que la lutte contre le racisme en Mauritanie vient faire dans un mémoire de l'ENEA où vous parlez de l´économie>>. Kaaw lui rétroqua alors à peu prés ceci: ”Les noirs sont opprimés en Mauritanie par un régime raciste, qui nous a jété sur le chemin de l´exil et dont le but était de nous ”clochardiser” et de nous fermer toutes les portes de réussite. Ce travail est aussi le fruit de notre lutte, de notre résistane donc je n'ai fait que dédier mon travail à mon peuple opprimé...”. C'est comme ca qu'il est mon ami, la lutte est l'épicentre de sa vie et toutes les occasions sont bonnes pour livrer le message. Bien sûre que je vais paraphraser Samba Diallo de l´aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane: ” Kaaw ne vit pas, il milite”.

D'aucuns le comparent à Biko ou Madiba, quelle abérration, comme s'il pouvait être l'un ou l'autre. Il est la synthèse des deux, il la détérmination du premier et la clairvoyance du second. Il resemblerait plutôt à Ahmed Kathrada dans son rôle de conseiller efficace et confident discret du président Samba Thiam. Je ne lui ai jamais connu une idôle particulière, même si on le soupconnait d'un brin de Sankarisme, mais c'était tendance à l'époque. Il  pouvait admirer Ghandi, Malcom X ou le Dalai Lama... Il est défenseur de toutes les causes justes. Je me souviens encore de nos longues conversations pendant les intérminables conférences nationales africaines au début des années 90, nous étions tous excités car persuadés que nous étions, que cette vague de démocratisation atteindrait un jour les rivages de notre pays.

Nous étions tous derrière les leaders des oppositions africaines qui allaient, pensions nous, débarrasser l'Afrique de cette vieille garde corrompue. Tshisékédi, Agbayibor, Koléla, Albert Zafy, Gbagbo, Sogolo, et même Jean Nguza Karl-I-Bond... tels étaient nos nouveaux héros.

 L'une de nos rares pierres d'achoppement était sa  farouche opposition aux tribunaux internationaux qui  ne jugeaient à son avis que les africains, moi plutôt libéral, j'étais pour le droit d'ingérence. Mon avis était et demeure que c'est par ce que les africains ne montrent aucune volonté de prendre en charge leurs problèmes qu'ils se font dicter les solutions.

 Je m'en voudrait de terminer cet article sans répondre à tous ceux qui l'accusent parfois de militer derrière le clavier; laissez moi vous dire, Elimane Bilbassi a milité avant l'avènement du clavier ou de la démocratisation de la parole en Mauritanie. C'est à pieds qu'il distribuait des tracts et nuitamment sous le couvre feu écrivait sur les murs sous le régime militaire à l´intérieur du pays, redigeait et distribuait notre journal "Le Flambeau"(journal interdit en Mauritanie) dans toutes les rédactions dakaroises et internationales et les représentations diplomatiques au Sénégal. Pendant que certains bavardaient, il faisait les cents pas devant les bureaux dans l'espoir d'apercevoir une autorité à sensibiliser sur la situation en Mauritanie. Pendant que d'autres théorisaient, il faisait le pied de grue devant les hôtels pour alerter les hôtes de passage sûr les dérives de Mouawiya. Bien avant l'Internet il a porté la parole partout en Afrique et dans le monde; au pays Mossi, au Kunaari, jusqu'au désert du Kalahari et en Scandinavie.

Il avait tissé son propre réseau social, réel celui là; pas virtuel, avec la création de Flamnet qui était devenu le premier forum libre et d´échanges entre exilés mauritaniens et compatriotes de l´intérieur. Ceci bien avant Twitter et WhatsApp, bien avant que la mère de Marck Zuckerberg, le fondateur de Facebook  pour paraphraser celui que vous savez. 

Mais ne dit on pas que derrière chaque grand Homme il y a une grande Dame, si Kaaw s'est encore bonifié c'est grâce à ma très chère cousine Arwa Dieng qui non seulement a réussi la prouesse de cultiver le haricot tropical en plein climat boréal mais a su s'occuper de mon très cher ami.

Voila N'Guza, mon "serpent est descendu" comme on dit chez nos cousins et voisins Wolofs, j'ai dit tout ce qui était "écrivable".

  J'ai passé sous silence les nombreuses tentatives de corruption, des propositions mirobilantes pour des retournements de veste dont tu as été l'objet et tous les trucs que tu utilisais pour tromper et déjouer la vigilance des forces de sécurité et agents de renseignements qui étaient à tes trousses et qui te voulaient du mal pendant ton exil sénégalais.

Que Dieu te donne longue vie et protège ta petite famille pour que la lutte continue jusqu'au dernier souffle.

La lutte continue!

Abou Hamidou Sy- FPC-Amérique du Nord.

FLAMNET- AGORA : Portait d'un grand combattant de la liberté (partie 1) par Abou. H.SY.


Il y a longtemps que ce projet me taraudait l'esprit, rendre hommage à ce camarade convaincu, cet ami fidèle et ce confident muet comme une tombe. Mais en réalité, je ne savais ni sous quel format, ni quand entamer cette tâche, encore moins par quel bout commencer, tellement l'Homme est multidimensionnel. Fallait-il écrire sa biographie? N'était-il pas très tôt de parler de quelqu'un qui n'était qu'au zénith de sa vie? Me disais-je parfois. Fallait-il  parler de l'Homme de culture? Du technocrate? (Vous avez bien lu technocrate) ou tout simplement du militant invétéré?

Mais assez d'excuses, lasse que je suis de voir des " portraits" de ce grand combattant de la liberté qui, même mis  bout à bout ne capturent pas toute la dimension de l'homme. Au risque de l'indisposer, connaissant son humilité naturelle, sa modestie sincère et sa sobriété légendaire; j'ai décidé aujourd’hui de me jeter à l'eau, il aurait certainement préféré l'expression " franchir le Rubicon" eu égard à son raffinement culturel.

Je vais vous raconter mon très cher ami Mouhamadou Touré dit Kaaw ou tout simplement Elimane Bilbassi comme il a fini par être connu dans le monde virtuel; Kaaw Tokossel pour la famille et les intimes. L'inamovible chargé de communication et porte-parole des FLAM et des FPC. Mais je préfère l'appeler par son sobriquet peu connu de N'GUZ.
J'ai connu Kaaw pendant les années de braises; lorsque nous étions tous deux très jeunes, mais " il mangeait déjà avec les grands" tellement " ses mains étaient propres". Ceux qui l'ont côtoyé peu avant moi m'ont rapporté un militantisme précoce. Pouvait-il en être autrement pour cet enfant  à quelques jets de pierres de la mythique
" Ceenal Bilbassi"?  Kaaw a commencé à militer dans les langes, j'allais dire dans le berceau mais ceux-ci sont inconnus dans sa contrée; Diowol Saaree Sebbee; car confronté comme tout enfant negro-mauritanien au racisme brut, presque normal de l’Etat. Mais n'étant pas un enfant comme les autres, il n'a pas passé longtemps à chercher la réponse. Il a vite compris, il fallait résister. C'est pourquoi il s'engagea très tôt dans la résistance culturelle, à travers la légendaire association " Jaalo Wali". Il était  loin de savoir en ce moment-là, que le régime lâche de Taya l’avait déjà dans la visée. 1986 publication du manifeste du négro-mauritanien opprimé, l´arrestation de tous les leaders de l´organisation. Manifestation et protestation à Nouakchott. Kaaw et quelques jeunes de Jowol organisèrent la première manifestation publique et ouverte contre le régime militaire de Taya à l´intérieur du pays. Le village des guerriers de Bilbassi fut encerclé et mis sous un état de siége, arrestation d´une cinquantaine de jeunes du village, Kaaw faisait partie du lot des détenus. De guerre lasse, les forces de sécurité finirent par le jeter en prison et il avait à peine ses 18 ans et qui faisait de lui le premier plus jeune prisonnier politique du colonel sanguinaire Ould Taya. Voulait-on les humilier ou les dompter? Mais c'était sans compter avec la témérité de ce descendant des seigneurs du Mandé.

La bienveillance de Dieu, la protection de ses ancêtres et les bénédictions de ses parents finirent par le faire traverser le fleuve en décembre 1987 et d´échapper à la chasse des hommes du redoutable tortionnaire, le commissaire Cheikh qui semait à l´époque la terreur dans la vallée. Il lui est reproché d´avoir initié et dirigé encore une fois avec quelques jeunes lycéens de Kaëdi une grève de protestation contre l´exécution des premiers martyrs de la cause négro-africaine, les jeunes officiers Ba Seydi, Sy Saidou et Sarr Amadou. Et c'est au pays de la Teranga qu'Elimane Bilbassi fourbit ses armes pour aller à l'assaut de l'Etat raciste mauritanien. 
Prêtez moi alors vos oreilles (vos yeux dans ce cas), je vais vous narrer dans mon style droit, (celui qu'il me connait bien) c'est à dire venant droit du Cœur, que la raison n'a pas encore enjolivé. Cette curieuse raison qui a toujours tendance à peser et à sous-peser toute parole contre les normes sociales quitte à en faire souffrir la vérité.
Assurément un seul jet ne suffirait pas à appréhender N'GUZ car sa vie est ...toute une vie.


Kaaw Toure l'intellectuel:
Ce qui frappe de prime abord chez Kaaw est sa maitrise de la langue de Molière et sa très vaste culture littéraire. C'est de loin l'un des meilleurs de notre génération, celle des 88ards. Je peux même affirmer sans ambages que "c'est le meilleur parmi eux" comme dirait sa favorite tante Viviane Wade. En effet, dans le même texte, il peut convoquer la mythologie grecque, citer un auteur de la pléiade et décrire une fresque orientale.
Surprenant pour quelqu'un qui a connu l'école formelle dans la deuxième décennie après les indépendances ou tout foutait le camp en Mauritanie, au moment où la médiocrité et le desordre généralisé s'installait avec l'arabisation des premières années de l'enseignement fundamental.
Il n'était pas non plus bien loti au lycée Limamoulaye, qui était bien loin de l'excellence qu'il connait aujourd’hui, mais comme à son habitude, il a su tiré son épingle du jeu et passé son bac avec brio au-dessus de la mêlée.
C'est à la prestigieuse Ecole nationale d'Economie Appliquée (ENEA) qu'il a fait ses  humanités, ou il a côtoyé de nombreux cadres africains: des maliens, des béninois, nigériens, tchadiens, malgaches, camerounais, des comoriens... qui sont retournés occuper de hautes fonctions dans leurs pays ou dans des organisations internationales.
Que de ministres ou de directeurs que Kaaw connait, personnalités qui ont lui offert de nombreuses opportunités qu'il a toutes déclinées préférant continuer la lutte. "La lutte continue" qui ne lui connait pas ce slogan?
Il aurait pu être un Enarque, personne n'aurait rien à y redire car c'est un prodige. Ce littéraire reconverti est en réalité un ingénieur de formation, qui l'aurait cru. Ne vous y trompez guère, son éternel béret français ne cache pas seulement une grosse tète, mais une tête bien pleine, celle d'un planificateur doublé d'un démographe. Quel gâchis pour la Mauritanie!
Mon ami est un artiste accompli, je dirai presque complet. En effect, Kaaw est un chanteur, compositeur, poète, parolier, écrivain, dramaturge... Les seules formes d'art qu'il n'a pas taquiné sont le 7eme ou peut être les arts plastiques, encore que ça ne serait pas surprenant s'il s'y aventure de temps à autres, lui qui fréquentait la même gargote que Joe Ouakam.
N'GUZ est un polyglotte; il comprend l'arabe, s'exprime très bien dans la langue de Shakespeare, maitrise le suédois... Curieusement  la seule langue qui semble  lui échapper est celle de Kooc Barma, même Lobbatt Fall la parle mieux que lui.

Fin du premier jet
La lutte continue!

Abou Hamidou Sy - FPC Amérique du Nord

NOTRE COMBAT

Notre combat est des plus hardis mais aussi des plus exaltants. Nous le continuerons en restant unis dans la détermination et dans la fidéli...