måndag 31 oktober 2022

DEVOIR DE MÉMOIRE SUR NOS ANNÉES DE BRAISE :LE 30 OCTOBRE 1986, LE JOUR DE MON ARRESTATION À JOWOL!


Dès l´aube de la journée du 30 octobre 1986 avant la prière de fadjr notre maison familiale, celle de l'Imam, était déjà encerclée par une vingtaine de gardes et de gendarmes bien armés venus surveiller nos déplacements. Toute la nuit certains inconnus enturbannés rôdaient autour de notre domicile.

Vers 7 h du matin un adjudant chef maure accompagné de deux gardes armés jusqu´aux dents rentrent dans notre maison et saluent mon père qui était assis sur un tapis de prière et écoutait son transitor et lui disent qu´ils sont venus pour me chercher. Il leur demande d´attendre dehors pour qu´il m´en informe. Il rentre dans notre appartement où
j´étais assis à côté de ma mère et de mes petits frères et soeurs et je venais tout juste de finir mon petit déjeuner.
Il me dit en pulaar : ”Be ngarii” (ils sont venus) parce que j´attendais depuis quelques jours à leur arrivée et à mon arrestation depuis notre manifestation contre le régime militaire. J´embrasse ma mère, mes petits frères et soeurs, je leur dit aurevoir. Je sors et trouve les hommes armés devant la porte et ils me demandèrent de les suivre. Ils m´encerclent en ”sandwich”, je sors chez moi sous le regard hagard et inquiet de mes parents, oncles, soeurs, frères et tantes tous sortis regarder la scène. Ma maman en colère les lance quelques piques et quolibets à haute voix: " Vous n'avez pas honte de mobiliser toute une armée pour prendre un gosse de 18 ans?" Balance t- elle, les dernies mots que j'entendais avant de sortir chez moi.
On se dirige vers la maison d´un autre camarade qui était sur la liste Diallo Samba Hamma, ils ne le trouvent pas chez lui et ils demandent à son père de les suivre comme son fils était absent c´est à lui de prendre sa place, crime de lèse majesté ou de parenté!
Un zélé gendarme du nom de AbouThioub, un métisse hartano-pulaar originaire de Kiffa lui parlait avec impolitesse et arrogance, nous donne des coups de crosse pour nous demander de courir. Nous trainons les pieds tout en marchant, ils nous donnaient des coups de pieds et ils nous amènent à la base militaire de circonstance située à "Toulel Tabaldé", notre terrain du football. Ils nous déposent et répartent à la recherche des autres camarades qui sont sur la liste. Aussitôt arrivés ils nous demandent de faire des mouvements abdominaux. Au même moment arrivent dans leurs filets mon petit frère âgé à peine 14 ans Baba Oumar Touré et Samba Hamma Diallo en personne. Je demande au vieux Hamma Diallo de dire que son fils est là pour qu´il soit libéré. Samba
s´annonce et ils libèrent son père. Mon petit frère Baba sera aussi libéré plus tard avant notre transfert à Kaëdi dans la journée.
Le comble de l´indignation des villageois c´est
lorsqu´ils sont partis à l´ècole arrêter le directeur de
l´école élémentaire, le vénérable homme de Dieu, notre grand-père feu Elhadj Abou Malal Ba, un homme pieux et très respecté dans le village et dans toute la contrée. Ils l'ont fait courir de l´école jusqu´à la base militaire pour le seul crime qu´il était l´oncle paternel de Amadou Alpha Ba, un des flamistes recherchés qu' ils n´arrivaient pas à mettre la main. Un autre "crime de parenté" qu'on ne trouve apparemment qu'en Mauritanie !
Ils arrêteront et feront courir aussi une autre femme enceinte qui était à terme de ses mois et qui n´avait rien fait sinon d´avoir eu le courage d´exprimer à haute voix son indignation face à leurs agissements ignobles contre le vieux marabout et les jeunes arrêtés.
En une seule journée plus d´une trentaine de jeunes sont arrêtés et regroupés à "Toulel Tabaldé" transformé à l´occasion en camp de détention avant notre embarquement vers midi dans des camions militaires pour la brigade et la compagnie de gendarmerie de Kaëdi à 18 km du village natal.
Dans le camion militaire on remarquait déjà le mécontement de certains gardes négro-africains qui exécutaient l´ordre de leurs supérieurs malgré eux. En passant au marché du village les femmes nous applaudissaient et exécutaient des chants d'hommage en notre honneur, nous répondions par des V de victoires et des sourires malgré l´escorte et la présence de nos gardes pénitenciers.
Loins d´être intimidés, on causait et plaisantait et certains disaient qu´on allait aux obséques de l´ancien dirigeant historique du mouvement de libération le Frelimo et président mozambicain Samora Machel qui venait de décéder dans un crash d´avion le 19 octobre de la même année dans le territoire Sud-africain à quelques centaines de mètre du territoire mozambicain.
LLC!
À suivre.
Kaaw Touré.
NB: Photo prise à Kaëdi en 1987 après ma sortie de prison.

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