torsdag 23 april 2015

ARCHIVES: Interview de Kaaw Touré, Porte-parole des FLAM avec le site Al Yowm

    "Ceux qui s´agitent actuellement pour le retour de Taya n´ont pas de respect pour la Mauritanie, font de la provocation pour déstabiliser le régime du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi".
    Mouhamadou Touré dit Kaaw est natif de djéol. Militant des FLAM depuis toujours, il fût le plus jeune prisonnier politique de la Mauritanie. Kaaw est en exil depuis plus de deux décennies. Le Monsieur communication des FLAM a bien voulu partager une tranche de sa vie avec nos lecteurs. Il revient aussi sur des questions d’actualité et sur le fonctionnement des FLAM.
    AL YOWM : Voulez-vous vous présenter à nos lecteurs ?
    Kaaw TOURÉ : Je m´appelle Mohamadou Ousmane Samba Racine Touré, mais pour les intimes, Kaaw Tokosel Tuure. Je suis originaire de Djeol dans le Gorgol et j´ai 40 ans dont la moitié ( 20 ans ) passée en exil, après mon passage en prison en 1986 suite à la publication du "Manifeste du négro-mauritanien opprimé" et qui faisait de moi le plus jeune prisonnier politique mauritanien à l´époque.
    Je réside en Suède depuis 1999, après mon expulsion du Sénégal suite aux pressions diplomatiques de l´ancien dictateur Ould Taya. Je suis actuellement le Secrétaire national à la communication et porte parole des Forces de libération africaines de Mauritanie et par ailleurs webmaster du site Flamnet.
    AL YOWM : Les FLAM, hier et aujourd’hui. Si on vous demande de nous faire un bilan ?
    Kaaw TOURÉ : Faire le bilan des Flam c´est faire l´histoire d’une résistance patriotique des plus opiniâtres, celle qui n´a jamais plié, ni dévié, celle qui n’a jamais été ni récupérée, en dépit des manoeuvres et agressions de toutes sortes. Les F.L.A.M. constituent sans conteste, dans 
    l’histoire de notre pays, la force politique qui a fait montre de la résistance la plus longue et la plus constante.
    L´histoire des FLAM ou le bilan des FLAM, c´est comme on le disait dans notre document historique "la longue marche des FLAM" et je cite : " c´est une histoire de près de 25 ans de lutte opiniâtre contre un système à fondement raciste. 25 ans de résistance acharnée au cours de laquelle la marche de notre organisation fut longue et pénible ; Chaque étape franchie et chaque acte posé le furent comme dans une course d’obstacles. On franchissait le premier, un autre était déjà là, plus haut, Et un autre derrière, encore plus difficile".
    L´histoire retiendra aussi que les FLAM ont fait l´histoire de ce pays. Nous avons été les premiers à nous insurger contre le dictateur Ould Taya et le système discriminatoire qu’il a solidement conforté. Cela nous a valu la repression la plus sanglante, la plus cinglante et la plus haineuse jamais enregistrée dans ce pays.
    Depuis leur création les FLAM s´étaient fixé entre autres objectifs : la résolution de la question nationale, la lutte contre l´esclavage et les pratiques féodales, l´instauration d´une véritable démocratie en Mauritanie où le fait d´être arabe, noir, haratine, znaga ne serait ipso-facto une condition rhédibitoire. C´est ce paradigme que nous avons rappelé et voulu concrétiser en Mauritanie qui nous a valu la dénonciation, la répression jusqu’à l’élimination physique de ceux que nous comptions de plus chers dans notre mouvement.
    A l’époque, cependant il ne s’était pas trouvé suffisamment de bonnes volontés dans les formations politiques concurrentes pour formuler, avec autant d’exigence que nous, la revendication d’une réelle égalité entre tous les citoyens mauritaniens. Mais tel le roseau de la fable qui ploie sous la poussée de la bourrasque sans pour autant casser, les FLAM ont survécu à toutes les tempêtes de sable du régime de Taya. Nous avons payé cher notre droit à l´expression et à l´épanouissement dans ce pays.
    Aujourd´hui il est facile de se réclamer de l´opposition et de bomber le torse, nous n´avons pas attendu la démocratisation du pays ou l´avénement de l´internet pour dire notre mot dans la gestion de ce pays. C´est grâce aux FLAM que l´opinion internationale a découvert le vrai visage du régime mauritanien et l´apartheid méconnu de notre pays.
    C´est grâce aux FLAM que le monde occidental et africain a découvert l´esclavage, le sort des déportés mauritaniens que notre ami feu Sennen Andriamirado de Jeune Afrique nommait "les Palestiniens de l´Afrique de l´Ouest".
    C´est grâce aux FLAM que le génocide planifié par des franges intolerantes et aggressives de nationalistes arabes a echoué. C´est grâce aux FLAM que les tortionnaires et autres génocidaires sont pourchassés et interdits de séjour dans des pays respectueux des droits de l´homme. C´est aussi grâce à l’impact de notre discours clair, cohérent et suivi, que les masses négro-africaines allaient prendre, pour la plupart, conscience de leur oppression. C´est aussi grâce à notre encadrement que les déportés ont résisté pendant ces 18 ans aux chants des sirènes, et maintenu intacte la tension du retour jusqu´à la reconnaissance officielle récente de leur déportation par le nouveau régime.
    On ne le dira jamais assez, un de nos acquis le plus essentiel, demeure celui d’avoir réussi, surtout, à rompre le mur du silence qui entourait cette politique ignominieuse de discrimination à caractère raciste et de pratiques esclavagistes dont sont victimes les populations noires mauritaniennes.
    La Mauritanie est un pays secret ; nos dirigeants politiques se sont toujours évertués à soustraire à la curiosité internationale les problèmes de fond du pays, par la dissimulation. 
    L’une des choses que Ould TAYA n’a jamais réussi à digérer est bien que nous ayons pu diffuser « Le Manifeste du Négro-Mauritanien opprimé » à l’extérieur, au sommet de Hararé, au Zimbabwe.
    Aujourd´hui toute la classe politique parle dans son ensemble de l´unité nationale, du retour des déportés, du passif humanitaire, chose fort heureuse, alors qu´hier ces sujets étaient tabous et considerés comme "fond de commerce des nationalistes étroits, des ennemis du monde arabe à la solde du sionisme". L´histoire vient encore une fois de démontrer que seule la vérité est révolutionnaire ; nous n´avons jamais failli dans notre mission de sentinelle du pays, de garde-fous de la démocratie, d´objecteurs de conscience mais surtout de combattants de la liberté.
    Le régime de Taya et même celui de la transition ont cherché, en vain, par tous les moyens à nous casser, à nous marginaliser. Ils ont essayé par la répression, la corruption, mais le socle dur est resté ferme et déterminé, loin de tout opportunisme et amateurisme, pour faire aboutir nos revendications les plus essentielles.
    AL YOWM : A quand la fin de l’exil de la direction des FLAM ?
    Kaaw TOURÉ : C´est une bonne question mais comme vous le savez, en tant qu´ancien exilé politique vous-même, qu´on ne choisit pas l´exil de gaieté de coeur. Le mal du pays vous occupe et vous déchire les entrailles comme disait l´auteur des Exilés de Goumel. Le pays nous manque beaucoup ; nous n´avons comme richesse sur cette terre que notre pays natal, nous y tenons comme la prunelle de nos yeux ; c´est pour cette raison que nous nous sommes insurgés contre le système, c´est pour cela que nous avons accepté l´âpreté de l’exil et les souffrances des cachots. A quand la fin de l´exil ? Nous sommes en voie d’y apporter une réponse. Et je présume que ce sont tous nos concitoyens qui l’attendent avec intérêt et impatience. Notre conseil national qui se réunira très prochainement statuera sur la question. Il faut espérer que cet exil prendra bientôt fin.
    AL YOWM : Les FLAM comptent-ils un jour chercher la reconnaissance légale par les autorités mauritaniennes ?
    Kaaw TOURÉ : Le plus important pour nous, c´est la reconnaisance de fait des FLAM , par ce qu’elles incarnent, aussi bien par les autorités que par la classe politique dans son ensemble, et par l´opinion internationale. La reconnaissance légale n´est en fait qu´un simple certificat de naissance qui n´empêche pas à un enfant de vivre ou d´exister, une simple formalité administrative. Il me semble prématuré d’en parler maintenant, même si rien est à exclure. Mais je puis vous assurer que les FLAM resteront conséquentes en continuant à privilégier toutes les solutions qui réglent les contentieux nationaux et favorisent la réconcialition entre nos communautés.
    AL YOWM : Quelle est votre analyse de la situation du dossier des réfugiés ?
    Kaaw TOURÉ : Le dossier des réfugiés, comme vous le savez, nous tient beaucoup à coeur ; et il faisait partie, avec le passif humanitaire, de l´une des conditions que nous avions posées pour la décrispation du climat social en Mauritanie. Le discours historique du 29 juin du Président de la République, nos échanges avec lui pendant la campagne électorale entre les deux tours et sa récente rencontre avec notre président Samba Thiam à New York en marge de l´assemblée générale des nations unies nous incitent à l´optimisme, même si nous savons qu´il y a toujours des forces hostiles tapies dans l´ombre, oeuvrant pour la perpétuation du système, qui veulent faire échouer le projet du rapatriement des déportés. C´est ce qui explique, en grande partie, les tergiversations, les manquements et l´amateurisme constatés dès l´entame du projet.
    En résumé, par rapport à ce dossier, il ne serait pas réaliste de nier qu´il y a des efforts consentis, certains ; mais il faut continuer à ameliorer. Il faut surtout, pour réussir la réconciliation, éviter la solution du « fait accompli », ou de type à générer ressentiments et frustrations. Nous avions salué, en son temps , l´initiative du président de la République mais nous devons plus que jamais restés vigilants pour faire aboutir le réglement de ce dossier et aborder les autres points qui attendent toujours comme le passif humanitaire et surtout l´épineuse question de cohabitation que certains nomment pudiquement "la question de 
    l ´unité nationale".
    AL YOWM : Maouya bientôt en Mauritanie. Qu’en dites-vous ?
    Kaaw TOURÉ : Si Maouya veut rentrer en Mauritanie, libre à lui, mais il doit assumer son passé et être prêt à répondre de ses crimes , devant la justice nationale ou internationale. Ceux qui s´agitent actuellement pour le retour de Taya n´ont pas de respect pour la Mauritanie, font de la provocation pour déstabiliser le régime du président Sidi Ould Cheikh Abdallah. Nous ne pouvons expliquer certaines coïncidences troublantes dans ce pays. A chaque fois que le problème des déportés est évoqué on voit surgir des manifestations « spontanées », on fait courir la rumeur de bruits de bottes, on assiste à des actions terroristes, des tracts de diversion circulent, on agite le spectre du retour de Taya.
    Tout ceci ne peut être fortuit. C´est comme s’il y avait une main invisible qui chronométre tout cela, selon un agenda bien défini. Je n´accuse personne, mais je crois à la manipulation et à la préparation du retour d´un « messie » pour sauver la Mauritanie du « démembrement et de l´impasse ». Ce qui est abérrant dans toute cette campagne c´est d´entendre certains plumitifs et politiciens regretter l´ère du dictateur. Cela est une offense à notre dignité et c’est certainement manquer de respect pour notre peuple, comme pour dire que nous ne méritons que la médiocratie.
    AL YOWM : La Mauritanie et le terrorisme quelle est votre analyse ?
    Kaaw TOURÉ : Si vous regardez le parcours de ces prétendus moudjahidines, vous ne verrez que des anciens bandits de grands chemins"reconvertis", des petits criminels et qui n´ont rien à avoir avec notre sainte religion, qui est une réligion de paix et de tolérance. Qu´ils nous laissent vivre notre foi et nos pechés en paix dans ce monde, et Dieu seul pourra reconnaître les siens. Ne dit-on pas dans le saint livre qu´Allah est le plus juste des juges ? « alayssa´allah bi ahkamil hakimine » Nous, au niveau des FLAM, considérons ces évènements graves autour de ces illuminés comme une menace sérieuse, un danger auquel il faut faire face avec fermeté certes, mais aussi avec beaucoup de discernement.
    On ne réglera pas le problème en se contentant de punir les exécutants. Il faudra aller au-delà, mesurer l’impact de ce discours d’intolérance , fanatique, et en déterminer les causes profondes. Ce terrorisme aveugle, à vocation apocalyptique , prospère sur le lit des frustrations et des misères des populations vulnérables parce que sous-éduquées et/ou laissées pour compte. Il faut aussi dire qu´à vouloir copier le monde arabe en tout et pour tout, on finit aussi par en prendre, hélas, les côtés pervers
    AL YOWM : Connaissez-vous Brediley. Que vous inspirent ses récentes productions ?
    Kaaw TOURÉ : Bredileil ou "la fraicheur de la nuit" c´est son nom traduit en Francais parait-il. Je n´ai pas eu l’occasion de connaitre l´homme sinon à travers sa pensée et ses écrits et surtout à travers les témoignages de nos camarades qui l´ont connu en prison en 1987. Tout ce qu´on sait de lui, c’est qu´il est un partisan acharné de l´arabisation de la Mauritanie, quel qu´en soit le coût, qu´il est l´idéologue du baathisme repoussant et intolérant dans notre pays. Bredeleil a une part importante de responsabilité, lui et ses camarades, dans les dérives nationalistes et fascistes du régime de Ould Taya. Il n´y a en réalité qu´un extrémisme en Mauritanie, c´est celui, intolérant, du Baas et des nasseriens.
    Les positions de Bredeleil ne me surprennent donc guerre. Ce qui me surprend c´est plutôt le silence des prétendus progressistes ou objecteurs de conscience, face à ses prises de position qui puent le racisme abject. J´espére qu´un jour, les mauritaniens auront l´opportunité de se parler à travers un débat national autour de cette question de la cohabitation, et ce sera une bonne occasion pour finir une bonne fois pour toutes avec des idéologies importées et s´atteler à la construction d´une Mauritanie réconciliée et fière de sa diversité culturelle, de sa position géographique et de sa composition sociologique. En attendant nous disons comme toujours la lutte continue.

    Propos recueillis par Abdallah Ould Hormatallah et Camara Seydi.
    Le 20/05/08

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