torsdag 23 april 2015

ARCHIVES: Interview de Kaaw Touré Porte-parole des Forces de Libération Africaines de Mauritanie (FLAM) au site AHME

A.H.M.E : Bonjour ! Kaaw Mouhamadou Touré Porte-parole des FLAM, Que pensez-vous des dernières élections présidentielles en Mauritanie. Ould Abdel Aziz  a-t-il été élu dans la transparence ?
 Les dernières élections sont maintenant derrière nous et ne sont plus à l´ordre du jour. Je pense que l´opposition est responsable en partie de sa propre défaite parce qu´elle a mal négocié les accords de Dakar et les erreurs en politique se payent cash et elle doit en tirer les conséquences. Une chose est sure les résultats ont surpris la classe politique et beaucoup  d’observateurs. Les Flam qui n´étaient pas candidates et qui étaient en dehors du processus pour les raisons que vous savez ne peuvent être plus royalistes que le roi et ont donc pris acte de cette nouvelle réalité de la Mauritanie.
Nous avons dénoncé et combattu le putsch en son temps mais depuis les accords de Dakar, le discours de démission du président Sidi Ould Cheikh Abdallahi et les élections d´août dernier nous ne pouvons plus  faire de la nouvelle donne politique du pays. Est-ce que le Général-putschiste devenu président élu va se départir de ses réflexes d´homme de casernes pour réconcilier les mauritaniens? Est-ce qu´il va réconcilier l´Etat avec les opprimés et exclus du Système? Va-t-il détruire les fondements du Système raciste et esclavagiste du pays? L´avenir nous le dira. En tout cas les Flam seront toujours là pour veiller et continuer le combat.

2. A.H.M.E  : Le passif humanitaire est un dossier lourd. Les victimes réclament la justice mais Aziz se limite à formuler des excuses publiques. Selon vous, pourquoi les autorités mauritaniennes refusent de traduire les criminels devant la justice et quelle est la position des FLAM sur cette question ?
Le passif humanitaire comme nous le disons toujours est un euphémisme utilisé par ceux là qui répugnent à parler des déportations et des crimes commis contre les Négro-mauritaniens. Ces crimes commis entre 1986-1991 ne sauraient rester impunis sous peine de saper les fondements même de la vie en commun. On ne peut décréter l´amnistie comme avec Taya, ou prôner l´amnésie au regard de la tendance actuelle, pour évacuer ce dossier douloureux.
Hier comme aujourd´hui, nous ne dirons jamais assez que pour régler ce problème, il faut trouver l´équilibre entre la nécessité du pardon, le refus de l´impunité ou devoir de justice, et les exigences de vérité et des réparations. Ce serait toutefois une erreur de croire que les réparations des crimes et des déportations suffiraient à elles seules à assurer la réconciliation. Il faut plus: s´attaquer à notre épineux problème de cohabitation. De simples prières et compensations financières ne suffisent pas, il faut du courage politique et surtout une volonté réelle des autorités à trouver une solution juste à nos problèmes et comme on le disait dans le Manifeste de 1986, quelle qu´en soit la faiblesse tellurique, après un tremblement de terre, on doit s´évertuer à reconstruire sa maison sur des fondations solides et durables, avec des matériax mieux adaptés. On ne peut se contenter de colmater les brèches occasionnées par une première secousse, sinon, à la deuxième, la maison ne sera plus habitable. Il faudrait alors la détruire. Et cette secousse peut survenir à tout moment.
3. A.H.M.E  : Le rapatriement de nos compatriotes expulsés en 1989 et suites, est en voie de règlement. Les rapatriés sont-ils rentrés dans leurs droits ? Qu’il s’agisse des terres de culture, des maisons, des villages occupés, des animaux et biens spoliés. 
Le problème des réfugiés est un dossier que je connais bien pour avoir vécu ces évènements de près en 1989, du camp de "Batrain" de Ouakam, à l´école de police de Dakar qui ont recu les premières vagues des fonctionnaires déportés, en passant par le camp de Thiès jusqu´au déplacement des réfugiés au camp de Dagana ; la création de l´ARMS et de l´AMRS, le complot du HCR de 1995, le PSIR et son "mooyto koota" ( le retour en incognito ) enfin. J´ai sillonné et vécu dans les camps de Dagana jusqu’à Haité au Mali à l´époque ; c´était dur et difficile, les réfugiés n´avaient comme protecteurs et avocats que les Flam. Tout ça, nous l´avons géré de près en tant que militant des Flam mais aussi en tant que porte-parole des réfugiés mauritaniens au Sénégal, et cela nous a valu l´expulsion de  ce pays. Il n'y avait, à l´époque, ni partis politiques ni associations de droits humains pour encadrer et défendre ces apatrides; aujourd´hui tout le monde en parle et parfois avec le zèle des nouveaux convertis, tant mieux ! Nous pouvons dire que nous revenons de loin. Aujourd´hui on reconnait notre mauritanité et on accepte notre retour organisé, ce pas important est le fruit de notre lutte; mais comme vous l´avez souligné des problèmes demeurent. Malgré les déclarations politiciennes des responsables de l´ANAIR, les problèmes persistent aussi bien dans la récupération des terres, des villages occupés, l´éducation des enfants et l´intégration sociale des déportés. Les évènements de Diolli, de Gourel Moussa et tout récemment de Fada sont là pour alerter l´opinion sur les dangers d´une politique de navigation à vue, concernant ce dossier.
4.  A.H.M.E : D’aucuns affirment que les FLAM sont en négociation avec Aziz. D’autres nient l’existence de cette négociation. Qu’en est-il ?
Je devine d´où vient cette propagande sournoise, et cela me fait sourire. Les Flam ne sont en négociation ni avec Aziz ni avec personne. Quand nous déciderons de négocier avec le pouvoir, nous le ferons à ciel ouvert parce que nous n´avons rien à cacher et nous ne sommes pas obnubilés par la chasse aux strapontins. Ce qui nous préoccupe, c´est la Mauritanie et rien d´autre. Non, les Flam ne sont pas en ce moment en  négociation avec Aziz. Je suis catégorique.
5. A.H.M.E : Le combat que mène la communauté négro-africaine de Mauritanie ne peut aboutir sans l’unité. Or, l’Etat et la féodalité maures continuent à utiliser les différentes parties les unes contre les autres. Tantôt, dans une gestion tranquille de l’esclavage maure, l’Etat partage quelques miettes du pouvoir avec l’autre partie des associés-rivaux (Mouhamadou Abdoul in Collection L’ouest saharien, Volume n°4, 2004, l’Harmattan ),  qu’est la féodalité négro-mauritanienne. Celle-ci ne s’est jamais souciée de l’esclavage maure. Tantôt, dans un conflit entre les deux associés- rivaux (féodalités maure et négro-mauritanienne), alors l’Etat maure utilise ses forces de répression et au besoin les Haratine. Les exemples de 1966 et 1989 le prouvent.
Dans ce cas, les Haratine apparaissent comme les seuls responsables des répressions de l’Etat maure. L’Etat et la féodalité maures s’empressent d’accréditer cette idée dans l’opinion nationale et internationale . Que faire pour surmonter ces contradictions et parvenir à cette unité ?
Notre combat a toujours été, entre autres, le recouvrement par tous les Mauritaniens et singulièrement les Négro-mauritaniens, de leur dignité par l'élimination de la discrimination raciale érigée en système de gouvernement. Et quand nous disons Négro-mauritaniens nous faisons appel à tous les noirs de Mauritanie qu´ils soient de culture négro-africaine ou de culture arabe, ce concept  Négro-mauritanien usité aujourd´hui par tous appartient aux  Flam. Il faut rendre à Cesar ce qui appartient à Cesar.
 Les uns sont victimes de déni de dignité et les autres de déni d´humanité, leur union est normale et doit s´inscrire dans l´ordre naturel des choses si l´on considére les convergences, voire les imbrications profondes entre les deux composantes. Celles-ci sont justement materialisées par la commune exclusion du Système en tant que Noirs. Les Flam sont la première force qui a souhaité très tôt l´unité des Négro-mauritaniens. Cette unité constituera une force formidable, apte à hater la fin d´un Système, dont le processus de destruction est déjà enclenché.
Après les évènements de 1989 nous avons fait une campagne de sensibilisation auprés des camps des réfugiés pour leur expliquer que ces hordes haratines qui tuaient dans les villes et dans la vallée ne sont pas les vrais responsables des crimes parce que pour être coupable il faut être un homme libre et responsable , alors que ces haratines qui tuaient leurs frères et soeurs étaient  instrumentalisés, ils étaient  les bras armés de lobbies et courants politiques racistes et agissaient sous les ordres de leurs maitres . On ne devrait donc pas leur en vouloir. Nous avions même lancé beaucoup de tracts dans le Sud de la Mauritanie pendant les années de braise  sous le titre "Appel à mon frère Haratine" disponible dans nos archives. Les opprimés doivent s´unir, non pour se venger de qui que ce soit, mais pour faire de la Mauritanie un Etat de droit, respectueux de leur dignité.
6. A.H.M.E  : Sidi Ould Cheikh Abdallahi avait réussi à faire voter une loi criminalisant l’esclavage. Les ONG abolitionnistes considèrent que cette loi a été oubliée et remplacée par la thèse des séquelles de l’esclavage (retour à Ould Taya). Pourquoi les décrets, les ordonnances et les lois relatifs à l’esclavage  ne sont pas appliqués en Mauritanie ?
 Il ne faut pas se faire des illusions, ce n´est pas par un simple decret qu´on va finir avec l´esclavage. Il faut une volonté réelle accompagnée d´une campagne intense de sensibilisation et des projets d´insertion et d´alphabétisation des esclaves pour les sortir de ces ténébres moyenageuses. Il ne faut pas oublier que ceux qui profitent de ce système restent agrippés à leurs privilèges et  demeurent hostiles à tout changement de fond de l´ordre actuel, et ils  feront tout pour renvoyer aux orties toute loi abolitionniste. Il faut surtout une volonté réelle d´éradication de l´esclavage et de toutes ses séquelles dans notre société pour en finir. Je crois  comme mon héros et idole de toujours, Steve Biko, que la lutte anti-apartheid n´aboutirait pas entièrement tant que les noirs, à titre individuel, n´avaient pas fait la révolution de leur propre être. Tant qu´ils ne s´étaient pas libérés des chaines de l´esclavage psychologique forgé par des générations d´histoires falsifiées et tronquées. La libération du peuple n´équivalait pas simplement à changer les lois ségrégationnistes mais aussi à reconstruire l´homme noir, la personnalité noire dotée d´autonomie. Cette pensée parle encore davantage aux haratines. 
7- A.H.M.E : Pouvez vous nous donner  la position  des FLAM par rapport à l’esclavage  et quelles sont les solutions que vous préconisez pour l’éradication définitive de ce phénomène ?
Sur l´esclavage, tout le monde sait le travail de titan fait par notre mouvement pour sensibiliser et mobiliser l´opinion contre  cette pratique et dans notre pays  et à l´exterieur. Il n´est pas  superflu de rappeler peut-être, que les FLAM ont été la première Organisation à prendre en charge la question de l'esclavage, quand bon nombre de leaders Haratins rasaient les murs après le procès de Rosso, s'ils ne flirtaient avec le Pouvoir. Sans visée opportuniste ou électoraliste aucune, nous avons fait nôtre la lutte pour la libération des abid, fidèles en cela à nos positions de principe. Si du reste cette question connaît un certain retentissement aujourd'hui, c'est bien d'abord grâce à l'action continue des FLAM sur la scène internationale. Qui ne se souvient pas du tract de l´UDM du 10 mars 1980, le premier noyau des Flam, en signe de solidarité avec les leaders d´El hor alors emprisonnés ? Aux Etats-unis, nous nous sommes attelés à faire connaitre cette question auprès des sénateurs et associations abolitionnistes, à travers les grandes chaines de TV  comme CNN et BBC qui ont fait des reportages sur cette question, les grands quotidiens comme New york timesWasinghton post, pour ne citer que les plus célébres ; à travers également le livre de notre camarade et frère feu Samuel Cotton "Terreur silencieuse" que nous avons envoyé en Mauritanie ; dont le film et le  livre avaient suscité une pittoresque levée de boucliers à l´époque dans la presse mauritanienne. Le film "Né esclave" de la suédoise Helene Aastrup avec la collaboration d´Amnesty international. Beaucoup d´autres publications que je ne peux énumerer ici pour contrainte d´espace et de temps. Nous avons invité pendant certaines de nos journées ou colloques notre ami Ould Ciré de l´Association des Haratine de Mauritanie en Europe à Paris et nous lui avons même donné la parole dans notre site pour faire connaitre son association et son combat juste. Nous avons aussi  invité notre frère et ami Boubacar Messaoud de SOS-Esclaves sur Flamnet pour exposer et débattre à coeur ouvert sur cette question. Nous avons mis nos contacts au service de certains militants Haratine pour faire connaitre ce problème. Aujourd´hui, c´est facile de défendre cette question et ce problème du racisme d´Etat en Mauritanie parce que les Flam ont fait l´essentiel avant tous les autres. Je souris quand j´entends certains militants parler du doute chez des Flam sur ces questions; C’est peut –être  soit parce qu'ils ignorent l´histoire des Flam, soit parce qu´ils sont sont mal informés. Je dirais même que cela frise la méconnaisance de nos principes et de notre engagement, notre flamme est plus que jamais éblouissante.
8-   A.H.M.E : Que pensez-vous  de l’Association des Haratine de Mauritanie  en Europe  (A.H.M.E),  créée en 2001, qui se bat sans relâche pour informer l’opinion nationale et internationale sur les réalités des pratiques esclavagistes en Mauritanie ?
L´AHME est une nécessité et surtout un mouvement qui est venu au bon moment. J´ai beaucoup du respect et d´admiration pour ses responsables qui sont des grands amis et compagnons de lutte. J´ai connu le doyen Ould Ciré au Sénégal après ses démelés avec les autorités mauritaniennes; il est toujours resté le même, constant dans son engagement. Dicko Hanoune n´est plus à présenter aux flamnautes, il est un des plus réguliers animateurs de notre forum avec la même passion pour la justice et la liberté, c´est un militant décomplexé et convaincu. Ce que j´aime surtout chez vous, c´est la libération intellectuelle de vos dirigeants et leur volonté de rupture avec les chaines de servitude.
9- A.H.M.E  : Votre  dernier  mot aux lecteurs du site 
Mon dernier mot va d´abord aux militantes et militants des Flam pour leur fidelité et dévouement à notre organisation. Après plus de 27 ans d´existence et plus de 23 ans d´exil pour beaucoup d´entre nous, c´est l´occasion de saluer leur constanceet surtout leur  résistance à toutes les compromissions et trahisons, à tous les coups bas et autres tentatives de distraction, de discrédit et d´infiltration; nous leur disons seulement qu´ils doivent continuer dans cette lancée  car la victoire est au bout de l´effort, et que seule la vérité est révolutionnaire comme disait l´autre. Rien ne va ébranler nos convictions et nous avons montré que nous sommes des hommes de conviction et de foi.
J´en profite pour rendre un hommage particulier et mérité aussi à nos ainés membres-fondateurs des Flam qui n´ont jamais vacillé dans ce long chemin vers la liberté. Je pense au camarade Samba Thiam Président des Flam, avec qui j´ai partagé des moments de douleur et de bonheur dans cette lutte, un homme intégre, humble, visionnaire, un leader exceptionnel doté de grandes qualités intellectuelles et politiques, surtout de courage. Je pense aux grands combattants que sont Ba Mamadou Sidi qui m´a beaucoup appris dans cette lutte, Sall Ibrahima Abou un homme de conviction et surtout un intellectuel honnête, Ba Pathé dit Idrissa à l´engagement désintéressé, Kamara Abdoul Ghoudouss qui symbolise pour moi la sagesse et le dévouement, Habsa Banor, l´amazone, une militante exceptionnelle sur tous les plans, Boye Alassane la constance; je pense aussi au doyen, le devoué Abdoulaye Boun Malick Sy  et Ibra Mifo Sow mon oncle qui a guidé mes premiers pas dans la politique et constitue surtout une référence politique et morale pour moi. Ils sont des exemples de courage et de fidelité pour nous jeunes générations des FLAM et la Mauritanie de demain devra retenir leurs noms comme ceux de tous ces camarades martyrs tombés au champs d´honneur, dans les geôles du tyran.
 En tout cas je suis un militant fier et je ne cesserai jamais de remercier Dieu de m´avoir conduit dès mon jeune âge dans ce grand mouvement de liberation, qui a fait et qui continuera de  faire l´histoire de la Mauritanie.
 Nous sommes dans un tournant historique de notre lutte et les militants doivent se mobiliser davantage pour faire triompher nos idéaux et atteindre l´objectif qui est la fin du racisme d´Etat et de l´esclavage en Mauritanie, en vue de fonder une Mauritanie réellement démocratique et réconciliée. Une Mauritanie où le fait d´être arabe, noir ou haratine ne serait ipso-facto une condition rhédibitoire.
Je ne peux finir cette interview sans avoir une pensée militante pour notre ami Hanevy Ould Dehah du site Taqadoumy victime du complot, de l´arbitraire et de l´injustice. Comme je le disais tout recemment dans ma page Facebook avec cette condamnation nous pouvons dire que tous les mauritaniens sont en liberté provisoire et que chacun de nous peut se retrouver en prison sans aucune raison valable. J´apporte encore une fois notre soutien et solidarité aux amis et confrères de Taqadoumy.
Enfin pour finir j´en appelle à l´unité des opprimés, les damnés de la Mauritanie car il faut se surpasser pour outrepasser l´impasse. La lutte doit continuer plus que jamais.

Février 2010

Inga kommentarer:

Skicka en kommentar

NOTRE COMBAT

Notre combat est des plus hardis mais aussi des plus exaltants. Nous le continuerons en restant unis dans la détermination et dans la fidéli...