torsdag 23 april 2015

ARCHIVES: KAAW TOURE- UNE VIE POUR SE LIBERER, Par HERIC LIBONG-DAKAR-SOIR

Le jaune en haut, c´est pour le désert du nord. En bas, le vert incarne la verdure des plaines du sud. Au milieu , il y a du blanc et du noir pour les deux communautés qui peuplent la Mauritanie.Telles le Yin et le Yang, les deux couleurs se fondent l´une de l´autre:" Malheureusement il ne s´agit que d´un drapeau; que d´un symbole d´espoir. Celui des FLAM et de Kaaw Tokossel Touré. La réalité est bien différente: "Bientôt si la politique d´arabisation dans laquelle perdure le gouvernement ne s´arrête pas,dit-il les Noirs n´auront plus de place en Mauritanie". Avec son permanent sourire pacifique sur les lèvres,"petit oncle" "Kaaw Tokosel" en peulh,  Porte-parole des Flam et rédacteur en chef du FLAMBEAU, le trimestriel du mouvement, n´a rien d´un révolutionnaire. A première vue on le prendrait pour un gentil étudiant en droit privé. Rien sur son visage n´exprime la colère de la révolte, la peur, la souffrance de la torture, la prison....ou l´exil. 

C´est en 1987 que Kaaw Tokossel Touré, pourchassé par les autorités mauritaniennes, quitte Djeol, son village natal situé dans le Sud du pays pour rejoindre Dakar. Exil provoqué par la répression, certes, mais surtout par l´ardent désir de continuer une lutte engagée dés l´âge de 15 ans. Conscience politique précoce donc, qui dés les années lycée est venue troubler une trop courte période réservée à la naïveté de l´adolescence: "Le milieu dans lequel j´étais et grandi m´a très tôt influencé et aidé, dit-il. Ensuite, il y a la situation politique du pays. Tu ne peux pas rester insensible à ce que tu subis au quotidien si tu as un minimum de dignité. Les provocations, la discrimination envers les Noirs, tout cela se vit au quotidien. A l´école, dans l´administration, dans la rue, dans l´armée et partout".

Militant du Mouvement des Elèves et Etudiants Noirs, il participe à l´organisation de manifestations culturelles, à la mise en place des conférences en présence d´intellectuels descendant de la capitale et à la publication d´un journal scolaire. C´est en mars 1983, date de la création des FLAM, que le discours politique de Kaaw et de ses camarades prend une autre envergure. Fusion de plusieurs mouvements politique, dont celui des étudiants et des éléves, anti-raciste et anti-esclavagiste par essence, les FLAM se veulent être une organisation non ethnique et non raciale dont l´objectif est d´éradiquer toute forme d´oppression et de discrimination.
 Parti du principe de la revendication politique, le mouvement n´exclut aucune autre forme de lutte. Le "Manifeste du négro-mauritanien opprimé" publié en 1986 sonnera le point de départ de cette nouvelle donne: "Nous avions fait une analyse de la situation politique du pays en montrant chiffres à l´appui comment la discrimination se caractérisait dans tous les secteurs de l´Etat.". Coup d´envoi d´une prise de conscience politique mais aussi début de la clandestinité. Du 4 septembre 1986 à début janvier 1987, une centaine de militants, d´intellectuels et d´étudiants Noirs sont arrêtés. Kaaw en faisait partie. Il avait à peine 19 ans.

"SUPPLICE DU JAGUAR"

Une paire de grosses menottes pend sur le mur du salon. Accroché là, juste à côté du drapeau. Comme pour conserver bien vivace l´esprit de la lutte: "elles appartiennent au doyen Ablaye Malickel Sy, dit-il. Il a été enfermé pendant 4 ans à Oualata". Kaaw se souvient comme si c´était hier de son arrestation. Il revoit encore la dizaine de gendarmes venus encercler sa maison, la frayeur dans le regard de sa mère et la dernière prière du matin juste avant de se faire passer les menottes comme un criminel dit-il: "Nous avions des amis dans la police et dans la gendarmerie qui nous avaient averti, mais je ne voulais pas quitter mon pays et abandonner la lutte comme cela".
 Il se souvient également de la torture, "du supplice du jaguar"et de cette matraque qui s´abattait sur ses plantes de pied quand, immobilisé par des barres de fer, recroquevillé sur lui même et retourné la tête en bas, le sang lui giclait des yeux. Pendant une semaine: "ils voulaient que l´on avoue avoir porté atteinte à la sûreté de l´Etat. Nous étions enfermés dans le noir. A plusieurs dizaines dans une petite cellule. Sans aucun sanitaire, sans aucune fénêtre. On manquait d´air. A la limite on était content de se faire interroger dans la salle de torture parce que l´on pouvait voir la lumière du jour et respirer un peu". Suivront un mois de détention et un simulacre de procès sans avocats. Les plus influents prirent quatre, cinq ans voire plus avant d´être transférés plus tard dans l´enfer de Oualata. Cet ancien fort colonial devenu prison-sanctuaire, trônant au milieu du désert où le climat,les travaux forcés et les constantes brimades des gardiens viennent à bout des convictions les plus coriaces. Quelques noms Djigo Tafsir ancien ministre,Tene Youssouf Guéye, ancien ambassadeur de Mauritanie à L´ONU y ont laissé la vie. Bénéficiant certainement de son jeune âge, cette épreuve a été épargné à Kaaw le plus jeune prisonnier politique mauritanien à l´époque. Pour lui, ce sera la prison civile de Kaédi dans le Sud pour 6 mois fermes. Mais il lui en fallait beaucoup plus pour renoncer, car dés sa sortie il remet ca en participant à des réunions clandestines et à des nouvelles manifestations contre l´exécution de 3 officiers noirs en décembre 1987. De nouveau recherché, il quitte à temps cette fois, et se rend au Sénégal voisin :" Je me suis rendu compte que la lutte pouvait être aussi plus efficace à l´extérieur du pays".

CONFERENCES ET TOURNÉES

Tout au long de la discussion un jeune homme allongé sur un des matelas posés sur le sol, écoute tranquillement. Kaaw se tourne vers lui et explique qu´il a été déporté avec toute sa famille alors qu´il suivait des cours de terminal. Aujourd´hui, il fait partie de la centaine de membres du mouvement présents à Dakar. Vêtu d´un tee-shirt floqué du drapeau des des FLAM, son militantisme ne trompe pas: "Nous nous réunissons régulièrement et chacun cotise ce qu´il peut selon les bourses. Avec l´argent nous gérons le mouvement, nous organisons des tournées. Nous confectionnons des tee-shirt et nous publions notre journal qui est trés vendu".
Paradoxalement, l´entrée du mouvement dans la clandestinité a contribué à son essor. Présent en Afrique, aux Etats-Unis, en France et même en Scandinavie, les FLAM en un peu plus de 10 ans, ont réussi à cristalliser l´opinion internationale sur les questions des droits de l´homme en Mauritanie. Human rights watch, Amnesty international,la FIDH et autres organisations humanitaires suivent la cause á la loupe. Et Kaaw et ses camarades arrivent depuis Dakar,à la plaider à l´étranger. La fête de l´Humanité en septembre de chaque année et la conférence co-organisée par le parti communiste francais (PCF)et le parti au pouvoir au Burkina Faso à Ouagadougou en octobre dernier où ils étaient invités,témoignent du soutien dont ils bénéficient: "Nous sentons qu´il y a une évolution dans la lutte, dit-il. Quand on pense qu´il y a plusieurs années, on ne parlait pas de nous, on nous diabolisait,tout le monde avait peur de nous".
A Dakar, certains partis politiques leur ont fait part leur soutien et les invitent à leurs différentes manifestations et congrés. Mais diplomatie oblige, les manifestations, les colloques et les interventions de Kaaw dans les médias nationaux et internationaux sont ponctués de discrets mais fermes rappels à l´ordre des autorités: "Dans l´ensemble on nous laisse tranquille mais parfois on nous fait comprendre que nous sommes des réfugiés et qu´on nous a accordés l´hospitalité". En d´autres termes de ne pas faire trop de bruit: "Je pense qu´il y a des pressions du petit dictateur de Nouakchott et que quelque part nous gênons. En tout cas partout où nous allons nous sentons la filature du pouvoir mauritanien". Et puis il y a l´exil, toujours difficile à supporter surtout quand on risque sa vie en rentrant: "Ne pas pouvoir voir son pays ,est ce qu´il y a de pire pour un homme", déclaret-il.

Héric Libong
Photos Djibril SY- DAKAR-SOIR-MARS 1999

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