torsdag 23 april 2015

NOTES DE PRISON: 1986, DES ANNÉES DE BRAISE

Notes de prison: Ma petite réaction au témoignage de mon cousin et camarade de lutte Njaparta Sow· 

Merci encore chers camarades pour vos aimables commentaires et réactions. Merci à mon cher cousin et camarade de lutte Sow Njaparta pour ce témoignage émouvant qui me replonge dans les années de braise sous le petit dictateur Colonel Ould Taya.
Oui comme l´a bien dit mon camarade , mon compagnon de prison et complice de tous les jours, mon grand-frère Ousmane Touré on n´oubliera jamais cette journée d´été du 29 octobre 1986. Dès l´aube notre maison familiale fut déjà encerclée par une vingtaine  de gardes et gendarmes venus nous cueillir armés jusqu´aux dents sous le regard hagard de nos parents. Ce jour tout Djeol était agité et inquiet et vivait sous un véritable état de siège et les militaires se comportaient en occupants d´un "territoire conquis". Un couvre feu fut décrété dès les premières heures de la journée où on ne permettait de sortir dans les rues que les femmes et des personnes âgées. En une seule journée plus d´une soixantaine de jeunes sont arrêtés et regroupés à "Tulel Tabaldé" (un terrain de football) transformé à l´occasion en camp de détention avant notre embarquement en fin de journée dans des camions militaires pour la brigade et la compagnie de gendarmerie de Kaëdi à 18 km du village natal.

Des nuits longues, terribles, horribles et inoubliables. Des tortures du "Zaguar" qui commencaient à partir du 2 h du matin sans parler des autres tortures morales, des sermons, des insultes racistes du genre « sales nègres », « petits racistes, vous allez voir avec nous ». Eh oui, c´est le voleur qui criait au voleur. Quand on voulait prier, on nous l´interdisait aussi avec des arguties:" vous-êtes nègres, des "kouffar" vous ne connaissez pas Dieu !" eh oui on nous interdisait de prier dans une république qui se disait pourtant "Islamique"! mais nous avions fait face courageusement à nos tortionnaires malgré le rapport de forces inégal.

Déshabillés, menottés nuits et jours, pieds et mains enchainés, interdits de visite, interdits de douche, de manger, on ne s´alimentait que par quelques verres d´eau, sans parler la compagnie des moustiques en plein hivernage,  pendant plus d´une semaine d´interrogatoire, de garde à vue. Les rares fois qu´on nous donnait des repas de riz, ils y versaient du sable et beaucoup d´eau dans les plats pour perdre tout son goût. On était déjà affaiblis et fatigués par cette diète et des coups de tortures mais on tenait bon et curieusement on avait pas perdu notre humour ...djeolois et bonne humeur. On se taquinait entre nous dans l´obscurité de nos cellules, entre cousins à plaisanterie, sur les réponses données et autres cris de douleurs pendant les scènes de tortures ou les réactions de certains parents pendant les arrestations. Après ma première confrontation avec mes geôliers je fus isolé dans une petite cellule , loin de mes autres camarades pendant tout mon interrogatoire et il y avait un gendarme maure du nom de Hamadi qui veillait sur moi et de mes moindres mouvements.

Après une semaine de garde à vue et de tortures, un matin du 6 novembre 1986 comme des criminels ils nous ont amenés devant le juge d´instruction et le procureur du palais de justice de Kaëdi, tous deux beydanes (maures blancs) qui n´avaient même pas hésité à nous expédier illico-presto à la prison civile de Kaëdi (camp de la garde) après quelques petites questions sur les PV.  Ils nous inculpèrent avec des chefs d´accusation de: " participation à une manifestation non autorisée, membres d´une association subversive et illégale"(le ridicule ne tue pas). 19 dont une femme notre cousine Ramata Mamadou Siba Sow, seront inculpés et les autres libérés. Sortis du palais, on voyait tous nos parents (Njaparta était dans l´assistance), amis, camarades, des ressortissants de Djeol à Kaëdi, élèves et autres kaëdiens venus nous soutenir et on  les saluait de loin par des poignées de main  avec des V de victoire. On voyait de loin des femmes pleurer  avant que notre camion militaire ne  s´éclipsa en vitesse pour se diriger vers le camp de la garde de Kaëdi, notre futur lieu de détention.

Une fois le portail de la prison civile ouvert et franchi, on est accueilli par des centaines de prisonniers de droit commun qui nous attendaient apparemment; tous noirs à part deux maures blancs écroués pour vol de chameaux. Entourés par une vingtaine de gardes pénitenciers bien armés qui nous souhaitaient la bienvenue dans cette "maison de repos", j´ai aussitôt regardé mon frère et compagnon de fortune Ousmane Baaba Touré et  j´ai entonné notre chant anti-apartheïd  écrit par notre poète Amadou Samba Dembélé et il a répondu au refrain avec un autre camarade Aliou Mamadou Sow qui était à nos côtés et les autres camarades nous ont suivi en choeur: "

Maawuya jamfiima heewBe,(Maouya a trahi la majorité de ce peuple)
 won jalooBe, kono won woyooBe
Maawuya jamfiima heewBe
 nde Yellitaare roondii boomare
 so goonqDi tan ko konngol jom doole,
 ndeen goonga jom goonga yoole
 min cikkatnoo waawde ko waawande,
min mbaDno baawDo ko balloowo,
ndeke wonaa Dum baawDo ko baroowo
Min njanngiino e defte maBBe
 waawi wara ko majjere moYYani,
nanngu war ina dunycee nyifaani
 Gila laamu Wosteer e Bootaa
canyi Apartaayd, BaleeBe njootaa
, to faggudu e dawrugol e janngde
winndere woytiima , hoohooBe kaalii,
winndooBe e yimooBe ndeYYaani,
 nanngu war ina dyncee nyifaani
 JaambareeBe njantinaani, Mandela ko yeru BurDo laaBde,
 bikkittooDo hannde e geYYelle
kalifaandi wonaa ndi callalle
 halfatee ko Bernde e hakkille,
 Dum noon woorii jaambareebe.
O dunuyaa jamfiima heewBe
won jalooBe kono won woyooBe. 

Ce chant de révolte en pulaar était un réquisitoire contre le pouvoir raciste et je me souviens aussi que pendant notre interrogatoire à la gendarmerie, ils nous avaient trop demandé sur le sens de ce poème parce qu´ il a été aussi repris en choeur pendant notre manifestation contre le pouvoir de Taya à Djeol dans la nuit du 27 octobre 1986. En reprenant ce chant engagé on voulait défier le pouvoir sur son propre terrain(la prison) pour lui dire qu´on était prêts à payer le prix et " ko kalifaandi wonaa ndi callalle, halfatee ko bernde hakkille" autrement "on ne peut soumettre quelqu´un par des chaînes mais par la domination mentale". Nos gardes étaient médusés par notre provocation et notre "culot" mais c´était une autre histoire dans cette longue lutte contre le Système, on y reviendra un jour  plus largement inchaallah dans un livre à paraître.

A certains petits procureurs des Flam, nous leurs disons que nous revenons de loin. A l´époque, il n´y avait pas démocratie de facade, ni presse libre, ni liberté d´expression ou d´association encore moins la magie de la toile ou du Facebook. On vivait sous un régime militaire pur et dur et quand on s´opposait ouvertement au pouvoir militaire il n´y avait que 3 choix : la prison, l´exil et la mort. Et pourtant on s´est opposé au régime militaire et au couple satanique Taya-Cimper sur le terrain au moment où tout le monde l´adorait et le soutenait; au moment ou toute l´intelligentsia arabo-berbère et négro-mauritanienne avait choisi le silence et la collaboration. Oui, maintenant chacun peut se permettre de jouer au petit héros et au procureur, au nihiliste, au négationniste parce que.... d´autres avaient déjà défriché le terrain au prix de leurs vies et carrières et permis aujourd´hui certains petits "acquis" mais la lutte continue! Demain il fera jour. LLC.

NB: La torture du Jaguar: les poignets des dex mains du suspect sont attachés à ses pieds et les policiers ou gendarmes mettent une barre de fer sous les genoux entre les jambes et les bras. La barre de fer est ainsi soulevée et suspendue de telle sorte que l´individu se retrouve renversé, la tête vers le bas et les pieds en haut.On martèle la plante des pieds. Après plusieurs heures de ces sévices,il est raide d´évanouissement et ses pieds commencent à saigner. On fait passer l´individu à jaguar pour le conduire à signer des aveux préparés par les tortionnaires du régime raciste. Cette forme de torture ainsi que d´autres ont été infligées en 1986 aux détenus flamistes. Ou parfois des détenus ont été forcés de passer la nuit dans des fossés remplis d´excréments humains, de porter des briques très lourdes et de rester debout toute la nuit jusqu´à l´épuisement. Ou parfois certains sont arrosés d´eau froide la nuit pendant la saison sèche, période de l´année où les températures dans le désert mauritanien atteignent leur niveau le plus bas.

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